Sainte Catherine de Gênes, veuve (1447-1510). Fête le 15 Septembre.

Dimanche 15 Septembre 2024 : Fête de Sainte Catherine de Gênes, veuve, Mystique italienne, Patronne de Gênes (1447-1510).

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Sainte Catherine de Gênes
Veuve
Patronne de Gênes

Commémorée le 15 Septembre (dies natalis) par le Martyrologe Romain et le 12 Septembre par le Diocèse de Gênes et par l’Église locale.

Catherine Fieschi, fille d'un vice-roi de Naples, naquit à Gênes. Sa famille, féconde en grands hommes, avait donné à l'Église deux Papes, neuf Cardinaux et deux Archevêques.

Dès l'âge de huit ans, conduite par l'Esprit de Dieu, elle se mit à pratiquer de rudes mortifications ; elle dormait sur une paillasse, avec un morceau de bois pour oreiller ; mais elle avait soin de cacher ses pénitences.

Elle pleurait toutes les fois qu'elle levait les yeux sur une image de Marie tenant Jésus mort dans ses bras.

Malgré son vif désir du cloître, elle se vit obligée d'entrer dans l'état du mariage, où Dieu allait la préparer par de terribles épreuves à une vie d'une incroyable sainteté.

Après cinq ans d'abandon, de mépris et de froideur de la part de son mari, après cinq ans de peines intérieures sans consolation,  elle fut tout à coup éclairée de manière définitive sur la vanité du monde et sur les joies ineffables de l'amour divin : « Plus de monde, plus de péché, » s'écria-t-elle.

Jésus lui apparut alors chargé de Sa Croix, et couvert de sang de la tête aux pieds : « Vois, ma fille, lui dit-il, tout ce sang a été répandu au calvaire pour l'Amour de toi, en expiation de tes fautes ! »

La vue de cet excès d'Amour alluma en Catherine une haine profonde contre elle-même : « Ô Amour ! Je ne pécherai plus, » s'écria-t-elle.

Trois jours après, elle fit sa Confession générale avec larmes, et désormais elle Communia tous les jours.

L'Eucharistie devint la nourriture de son corps et de son âme, et pendant vingt-trois ans il lui fut impossible de prendre autre chose que la Sainte Communion ; elle buvait seulement chaque jour un verre d'eau mêlée de vinaigre et de sel, pour modérer le feu qui la dévorait, et, malgré cette abstinence, elle jouissait d'une forte santé.

À l'abstinence continuelle se joignaient de grandes mortifications ; jamais de paroles inutiles, peu de sommeil ; tous les jours six à sept heures de prière à genoux ; jamais Catherine ne se départit de ces règles ; elle était surtout si détachée d'elle-même, qu'elle en vint à n'avoir plus de désir et à se trouver dans une parfaite indifférence pour ce qui n'était pas Dieu.

Ses trois maximes principales étaient de ne jamais dire : Je veux, je ne veux pas, mien, tien, de ne jamais s'excuser, de se diriger en tout par ces mots : Que la Volonté de Dieu soit faite ! 

Elle eut la consolation de voir son époux revenir à Dieu, dans les derniers jours de sa vie, et de l'assister à sa mort.

À partir de ce moment, Catherine se donna tout entière au soin des malades, et y pratiqua les actes les plus héroïques jusqu’au jour de son départ pour les demeures éternelles : le 15 Septembre 1510 à Gênes.

Catherine de Gênes a été Béatifiée le 06 Avril 1675 par le Pape Clément X (Emilio Altieri, 1670-1676) et Canonisée, le 23 Avril 1737, par le Pape Clément XII (Lorenzo Corsini, 1730-1740).
Sainte Caterina Fieschi est la Patronne de Gênes qui la commémore le 12 Septembre.

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Pour approfondir, lire la Catéchèse du Pape Benoît XVI :
>>> Catherine de Gênes
[Allemand, Anglais, Croate, Espagnol, Français, Italien, Portugais]
 

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http://nominis.cef.fr/contenus/saint/1853/Sainte-Catherine-de-Genes.html.

Sainte Catherine de Gênes

Mystique italienne (? 1510)

Fille d'une noble famille de Gênes, Catherine Fieschi aspire dès son enfance à se consacrer à Dieu.
Mais sa noble famille ne l'entend pas de cette oreille, car, à cette époque, le mariage d'une fille est chose importante pour les stratégies familiales.

A 16 ans, la jeune fille qui voulait entrer au couvent doit épouser un homme violent et mécréant, mais dont l'alliance est souhaitable pour la famille Fieschi.
Désemparée, elle se livre aux frivolités de la vie mondaine. Mais elle n'y gagne que tristesse et amertume.

Subitement à 26 ans, elle change de vie. Une vision du Christ crucifié lui fait mesurer l'inanité de sa conduite.
Dès lors le feu de l'Amour de Dieu la brûle continuellement. Elle vit tout d'abord une vie de pénitence et de dures austérités afin d'expier ses fautes passées, puis dépassant le souvenir de ses fautes, elle vit dans l'union à Dieu, au milieu d'extases et de phénomènes Mystiques.

D'un même mouvement, elle convertit son mari, qui mourra Tertiaire Franciscain, lui le mécréant et le violent.
Elle visite les malades, soigne les lépreux et les pestiférés. On lui attribue des écrits qui témoignent de ses expériences mystiques. Mais il faut rendre à la vérité qu'elle n'en est pas l'auteur.

Le 12 janvier 2011, Benoît XVI a consacré sa catéchèse à Sainte Catherine de Gênes (1447-1510), auteur de deux livres: "Le Traité sur le Purgatoire" et "Le dialogue entre l'âme et le corps".
Catherine reçut dans sa famille une bonne éducation Chrétienne. Elle se maria à seize ans, et sa vie matrimoniale ne fut pas facile.

Au début elle menait une existence mondaine qui suscita en elle un profond sentiment de vide et d'amertume. Suite à une expérience spirituelle particulière, dans laquelle elle vit clairement ses misères et ses défauts mais aussi la bonté de Dieu, elle prit la décision de changer de vie et d'entamer un chemin de purification et de communion Mystique avec Dieu.

Le lieu de son ascension vers les sommets de la mystique fut l'hôpital de Pammatone, le plus grand de Gênes, dont elle fut la directrice.
"De sa conversion jusqu'à sa mort, a observé le Pape, il n'y eut pas d'évènements extraordinaires, mais deux éléments caractérisèrent toute son existence: d'une part l'expérience mystique, la profonde union avec Dieu (...) et d'autre part (...) le service du prochain, surtout aux plus nécessiteux et aux abandonnés".

"Nous ne devons jamais oublier - a souligné le Saint-Père - que plus nous aimons Dieu et plus nous sommes constants dans la prière, plus nous aimerons ceux qui nous sont proches, car nous serons capables de voir en toute personne le visage du Seigneur, qui aime sans limites et sans distinctions".
Benoît XVI s'est ensuite référé aux œuvres de la Sainte, et a rappelé que "dans son expérience mystique, Catherine n'a pas eu de révélations spécifiques sur le purgatoire ou sur les âmes qui s'y purifient".

La Sainte ne présente pas le Purgatoire "comme un élément du paysage des entrailles de la terre: c'est un feu non pas extérieur, mais intérieur (...).
On ne part pas de l'au-delà pour raconter les tourments du Purgatoire (...) et indiquer ensuite le chemin pour la purification et la conversion, mais on part de l'expérience intérieure de l'homme en marche vers l'éternité".

C'est pourquoi, pour Catherine, "l'âme est consciente de l'immense Amour et de la parfaite Justice de Dieu et, par conséquent, souffre de ne pas avoir répondu de façon parfaite à cet Amour, tandis que l'Amour même de Dieu (...) la purifie des scories de son péché".

Chez la Mystique génoise on trouve une image typique de Denys l'Aréopagite, a expliqué le Pape: celle du fil d'or qui unit le cœur humain à Dieu. "Ainsi le cœur humain est-il envahi par l'amour de Dieu qui devient l'unique guide, l'unique moteur de son existence.

Cette situation d'élévation vers Dieu et d'abandon à sa volonté, exprimée dans l'image du fil, est utilisée par Catherine pour exprimer l'action de la lumière divine sur les âmes du purgatoire, lumière qui les purifie et les élève jusqu'aux splendeurs de la lumière resplendissante de Dieu".

"Les Saints, dans leur expérience d'union avec Dieu - a insisté le Pape - atteignent un "savoir" si profond sur les mystères divins, dans lequel amour et connaissance se compénètrent presque, qu'ils aident les théologiens dans leur étude".
"Par sa vie - a conclu le Pape - Catherine nous enseigne que plus nous aimons Dieu et plus nous entrons dans l'intimité avec Lui par l'oraison, plus Il se révèle à nous et enflamme notre cœur de son Amour.

Dans ses écrits sur le Purgatoire, la Sainte nous rappelle une vérité fondamentale de la Foi, qui pour nous représente une invitation à prier pour les défunts, pour qu'ils arrivent à la vision de Dieu dans la communion des Saints".

"Le service humble, fidèle et généreux, que la Sainte a rendu toute sa vie dans l'hôpital de Pammatone, est d'autre part un exemple lumineux de charité pour tous, et un encouragement particulier pour les femmes qui apportent une contribution fondamentale à la société et à l'Église par leur précieuse œuvre, enrichie par leur sensibilité et par leur attention aux plus pauvres et aux plus nécessiteux."
(source: VIS 20110112 670)
À Gênes en Ligurie, en 1510, Sainte Catherie Fieschi, veuve, remarquable par son mépris du monde, ses jeûnes répétés, son amour de Dieu et sa charité envers les pauvres et les malades.

Martyrologe romain.

Cath genes tit 1Pour un approfondissement
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Extrait biographique

Traité du Purgatoire

Dialogues

Vie

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Ste Catherine de Gênes  : Table générale

(Extrait de sa vie…après le mariage)

Dès les premiers jours de mariage, Julien lui reprocha son genre de vie austère et retiré, et ne lui témoigna que froideur et dédain; il ne renonça ni à ses habitudes de dissipation, ni aux compagnies folles et légères qu'il avait coutume de fréquenter.

La sainte cependant réunissait tout ce qui pouvait enchanter : sa beauté était sans égale à Gênes; elle avait un esprit charmant et l'humeur la plus douce et la plus égale.

Julien était parfaitement insensible à ces avantages; il n'aspirait qu'à s'amuser et à briller dans le monde; l'amour de sa femme pour la retraite, la prière et la méditation, l'irrita de plus en plus, et bientôt il en vint à ne lui adresser la parole que pour l'accabler des expressions de son mépris et de sa haine.

Le désir de Catherine avait été de gagner l'affection de celui auquel son sort se trouvait lié; mais, pour rester en bonne harmonie avec Julien, il eût fallu, ou qu'elle l'amenât à embrasser son genre de vie, ou qu'elle adoptât les moeurs de son époux.

L'un et l'autre étaient impossibles : en adoptant les moeurs d'Adorne, Catherine perdait son âme; en essayant de le faire changer de conduite, elle s'attirait des injures et de mauvais traitements.

Cette situation finit par lui briser le coeur; elle se retira chez elle, se séquestra entièrement du monde, se fit une solitude dans sa demeure, et évita tous les rapports et toutes les conversations avec les créatures, lesquelles d'ailleurs ne pouvaient lui procurer aucun soulagement.

Prosternée jour et nuit au pied de la Croix, elle s'efforçait de se tenir aux côtés du Sauveur agonisant, de s'unir à ses souffrances, à sa patience et à sa résignation, de repasser dans son coeur les circonstances de la Passion de l'Homme-Dieu, et de produire les actes de vertu qui y ont rapport.

Mais là également elle ne trouva aucune consolation. Il semblait que le Seigneur l'eût abandonnée : plus elle pleurait, plus elle gémissait et priait, plus aussi sa douleur devenait poignante et amère.

Cet état dura cinq longues années, pendant lesquelles Catherine, consumée par l'affliction, maigrit au point de devenir entièrement méconnaissable.

Les biographes ne nous donnent du reste point de détails sur cette époque de vie; ils se bornent à nous dire qu'elle fut absolument sevrée de toute consolation et que la conduite de Julien Adorne devint de jour en jour plus scandaleuse et plus mauvaise.

Cependant les parents de notre sainte, se repentant peut-être  de l'avoir obligée à contracter un mariage qui avait eu de si funestes conséquences, effrayés aussi de son excessive maigreur, et croyant que son genre de vie solitaire et mortifié était la principale cause de son changement, eurent recours à toutes sortes de moyens et d'artifices pour la rendre au monde.

Tantôt ils lui représentaient que sa manière d'être était indigne de sa naissance et du rang qu'elle tenait dans la société; tantôt ils lui disaient qu'en continuant à vivre de la sorte, elle compromettait sa santé au point de se rendre coupable d'une espèce de suicide, et de mettre ainsi en danger son salut éternel.

Enfin Catherine se laissa prendre à leurs sophismes : le désir de se délivrer de trop fréquentes importunités, et l'espoir de trouver, dans les distractions extérieures, quelque soulagement à la douleur qui l'accablait, entrèrent pour beaucoup dans sa résolution.

Elle commença donc à se donner quelque liberté, à entretenir un commerce de visites avec les femmes de son rang et à user avec modération de certains plaisirs, dont jusqu'alors elle s'était toujours tenue éloignée.

Lorsque le monde vit que cette noble âme était entrée dans sa voie, dit son biographe anonyme, il crut la posséder à jamais, et il fit son possible pour l'enlacer de plus en plus, de manière à ce qu'elle ne pût se dégager à l'avenir.

Elle devint l'objet de tous les égards, de toutes les tentations, de toutes les félicitations. Catherine dépeint admirablement cette époque de son existence dans la première partie de ses dialogues.

Le corps et l'amour-propre tiennent à l'âme, leur compagne de voyage, le langage de la chair contre l'esprit; langage que le monde également tient qu'il cherche à entraîner dans son tourbillon et qu'il veut arracher au recueillement intérieur.

La sainte mena ce nouveau genre de vie pendant cinq années; durant tout ce temps, son confesseur nous l'atteste, elle ne se rendit coupable d'aucune faute grave; mais son grand Amour de Dieu, l'horreur que lui inspirait le moindre péché véniel, et sa profonde humilité, lui faisaient dire, plus tard, qu'elle avait perdu la grâce encouru l'aveuglement de l'âme, et qu'elle s'était rendue digne de la haine de Dieu et de l'enfer.

Cependant Catherine avait trop prié et trop souffert dans sa vie pour pouvoir rester dans l'illusion.

Le monde la fêta en vain et multiplia inutilement autour d'elle ses joies et ses distractions, elle n'y trouva aucun plaisir; loin de là, l'inconduite de son mari rendit sa douleur de plus en plus cruelle; et sa situation pendant cette époque de dissipation fut plus terrible encore qu'elle ne l'avait été pendant les cinq années de solitude et d'abandon.

C'était en vain, dit notre sainte elle-même, que tous les plaisirs s'unissait pour satisfaire mes appétits, ils ne pouvaient les rassasier : car, l'âme étant d'une capacité infinie, et les choses de la terre étant nécessairement bornées, il était impossible que de semblables jouissances parvinssent à la contenter.

Grâces soient rendues au Seigneur, qui a si sagement disposé les choses, ajoute-t-elle; car si l'homme trouvait sur la terre le repos et la satisfaction, bien peu d'âmes seraient sauvées. L'ennui et le dégoût s'emparèrent enfin à tel point de Catherine, qu'elle devint incapable de se supporter elle-même.

Le remords rendit son affection encore plus poignante; elle se reprocha jour et nuit de s'être éloignée de Dieu, pour rechercher les plaisirs et les consolations de la terre, qui n'avaient servi qu'à augmenter ses tourments.

Le désir de rompre avec le monde et de briser avec le siècle s'empara de son coeur; mais elle ne savait comment s'y prendre, ni à qui s'adresser pour trouver secours et conseils.

 

Telle était sa situation en l'année 1474 après dix années de mariage, lorsque la veille de la Fête de Saint-Benoît, elle entra dans l'église consacrée à ce saint; et, s'étant prosternée à terre, elle s'écria, presque désespérée : San Benedetto, prega Dio che mi faccia stare tre mesi nel letto infirma (saint Benoît, demandez à Dieu qu'il m'envoie une grave maladie de trois mois ); elle espérait que les douleurs physiques pourraient apporter quelque soulagement aux intolérables angoisses de son âme.

Catherine ne fut pas exaucée; mais cette Prière devint pour elle le point de départ d'une vie nouvelle, ainsi que nous le raconterons au chapitre suivant.

Chapitre IV

Conversation de Catherine.

La sainte toujours en proie aux mêmes tourments, se rendit au couvent de Notre Dame des Grâces, le jour de la fête de Saint-Benoît, dans l'espoir de trouver allègement à ses peines en les communiquant à Limbania.

Celle-ci, partageant les douleurs de sa soeur et profondément affligée de la voir si malheureuse, lui conseilla de se rendre auprès du directeur des religieuses, prêtre éclairé et de très sainte vie, et de lui ouvrir son cœur.

Catherine, après avoir hésité pendant quelques moments, céda aux insistances et aux exhortations de son aînée, et lui promit de revenir le lendemain pour se confesser.

En effet, le jour suivant, elle entre de bonne heure dans l'église du monastère, et, après avoir adressé une fervente Prière à Dieu, elle demande le confesseur de la maison.

Celui-ci, prévenu déjà par Limbania, accourt et se place dans le confessionnal. Catherine le suit mais, au moment où elle s'agenouille, un rayon de lumière céleste éclaire son intelligence, et elle sent un dard brûlant pénétrer jusqu'au plus profond de son coeur et l'embraser des flammes de l'Amour Divin.

Etonnée, ravie, hors d'elle-même, elle perd à la fois l'usage de la parole et du sentiment. Une vive lumière l'éclaire, et lui fait assister en quelque sorte, comme spectatrice, à la merveilleuse opération que Notre-Seigneur fait en elle.

Elle découvre clairement, et du même coup d'oeil, d'un côté l'infinie Bonté de Dieu, d'une autre part, la grandeur de la malice que renferme le moindre péché commis contre cette immense Miséricorde, et, en particulier, la gravité de ses propres offenses.

Alors une inexprimable douleur s'empare d'elle, et la contrition qui remplit son coeur est telle, qu'elle est au moment de tomber sans connaissance.

Elle voudrait maintenant pouvoir proclamer à la face du ciel et de la terre ses péchés, ses misères et ses défauts, pour se venger sur elle-même en se condamnant à l'humiliation et au mépris; mais clouée à sa place, incapable de faire un mouvement ou de proférer un son, elle ne peut que dire et répéter mille fois, intérieurement, ces paroles :

Non piu mondo, non piu peccati : Plus de monde, plus de péchés.

 

Cependant le Prêtre croit que Catherine garde le silence pour se préparer à sa Confession ; dans ce moment, on l'appelle pour une affaire pressante, il s'éloigne en promettant de revenir bientôt.

Il revient en effet et retrouve Catherine dans la même attitude et dans le même silence. Il l'exhorte à parler; alors elle fait un immense effort et parvint aussi à proférer ces mots :

Padre, se vi piacesse, lascerei volontieri questa confessione per un altra volta : Mon père, si cela vous convenait, je remettrais volontiers cette Confession à un autre temps.

Le prêtre y consent; alors Catherine retourne promptement à sa demeure et s'enferme dans la pièce la plus reculée de la maison, afin de donner un libre cours aux sentiments qui remplissent son coeur.

Elle se dépouille de ses vains ornements de femme et les jette loin d'elle pour ne jamais les reprendre.

Des soupirs embrasés s'échappent de son coeur, elle répand des torrents de larmes et en inonde le pavé de sa chambre; elle voudrait laver ses péchés dans son sang et le verser jusqu'à la dernière goutte pour Celui qui a versé le sien pour elle.

Plus elle considère la Bonté du Seigneur, qui veillait sur elle et la suivait alors qu'elle cherchait son repos et sa consolation dans les créatures, en dehors de ce Dieu si bon, si aimable, si digne d'être aimé, plus aussi son affliction devient amère et profonde.

La claire vue de ses misères et des Miséricordes Divines est toujours devant les yeux de son âme; et, à ce spectacle, il semble que le coeur de Catherine soit au moment de se briser d'Amour et de Douleur.

Elle ne peut que dire et répéter d'une voix entrecoupée de sanglots : « Se peut-il, ô Amour, que vous m'ayez prévenue avec une telle Bonté, et qu'en un moment vous m'ayez fait connaître tant de choses que ma langue ne saurait exprimer ? »

La sainte rend compte, dans ses Dialogues, de l'impétuosité de ses sentiments, pendant ces journées qui marquent pour elle le commencement d'une nouvelle vie.

Elle y proclame qu'elle eût mérité l'enfer, qu'elle ne savait où cacher sa honte, parce que partout elle rencontrait Dieu, et qu'elle étalait à ses yeux, malgré elle, toutes ses impuretés. « Comment pouvez-vous me souffrir, ô Seigneur, moi qui ne puis plus me supporter moi-même, ajoute-t-elle;... mes larmes et mes soupirs sont inutiles; ma contrition ne saurait vous être agréable et, si votre Miséricorde ne vient à mon aide, mes pénitences ne me serviront de rien, car toutes mes peines n'ont aucune proportion avec mes offenses ».

Catherine veut simplement faire comprendre, par ces expressions de son énergique repentir, que jamais les fruits de la pénitence ne doivent être attribués aux forces humaines, mais uniquement à la Bonté et à la Miséricorde infinies de Dieu; elle nous donne une grande leçon de véritable et profonde Humilité, et nous rappelle qu'après avoir fait tout ce qui est en notre pouvoir, nous ne devons pas cesser pour cela de nous considérer comme des serviteurs inutiles, ainsi qu'il est dit dans l'Evangile.

Tandis qu'elle est en proie à la torture morale que lui cause la vue de ses ingratitudes et de la Bonté de Dieu, Notre Seigneur, qui veut désormais la posséder sans aucun partage, lui apparaît chargé de Sa lourde Croix; il est couvert de Sang, de la tête aux pieds, et en répand en si grande abondance, que toute la maison en parait inondée.

Il regarde Catherine avec une ineffable Tendresse et lui dit pour la consoler :

"Vois, ma fille, tout ce Sang a été répandu au Calvaire pour l'Amour de toi, en expiation de tes fautes.

« La vue de cet immense Amour suspend en effet pendant quelques moments la douleur de la sainte; mais bientôt le souvenir de sa tiédeur et de son ingratitude envers un Dieu si aimable allume en son coeur une haine inextinguible, un profond mépris d'elle-même.

Elle s'accable de reproches et s'écrie à haute voix :

« O Amour! Je ne pécherai plus jamais, et, s'il en est besoin, je suis prête à confesser mes péchés en public ».

Chapitre V

Pénitence de Catherine.

Catherine, après avoir passé quelques jours dans les dispositions que nous venons de décrire, retourna à l'église de Sainte Marie des Grâces pour se Confesser.

Elle fit une Confession générale de sa vie entière, avec une si extrême contrition  et des signes si manifestes de douleur intérieure, que le Prêtre auquel elle ouvrit son coeur en demeura pénétré d'étonnement et d'admiration,et permit immédiatement à sa pénitente de Communier.

 

Ceci se passait le jour où l'Eglise célèbre la Fête de l'Annonciation de la Vierge. Catherine s'approcha de la table sainte et reçut le Corps de Notre-Seigneur.

Alors Dieu donna cette faim insatiable de la très sainte Eucharistie qu'elle a toujours conservée depuis.

La privation du pain de Vie causait de si intolérables tourments, que ses confesseurs, voyant dans ce symptôme une preuve évidente de la volonté divine, l'admirent bientôt à la Communion quotidienne.

Cependant Catherine avait constamment devant les yeux ses fautes passées, et ce souvenir entretenait son repentir et sa haine d'elle-même.

Elle résolut, pour se punir, de se livrer aux oeuvres de la Pénitence la plus sévère. Son mari, dans la maison duquel elle continua d'habiter, lui accorda la liberté de vivre comme elle le voudrait, et renonça, Dieu l'y incitant, à ses droits d'époux; il s'engagea à n'être désormais qu'un frère pour Catherine.

Sous ce rapport, au moins, il demeura fidèle à sa parole. Maîtresse de ses actions, notre sainte entra courageusement dans la voie qu'elle avait choisie; d'un seul bond, elle atteignit le sommet de la perfection, et jamais elle ne fit de pas en arrière.

Sa conversion, oeuvre toute divine, fut aussi prompte et aussi complète que l'avaient été celles de saint Paul et de sainte Madeleine; et dès le premier moment, elle se montra digne de marcher sur les traces de ces deux illustres saints, par la fidélité parfaite avec laquelle elle correspondit à la grâce.

Peu de pénitents ont poussé aussi loin qu'elle la mortification extérieure et intérieure. Catherine réduisit d'abord ses sens dans la servitude la plus complète.

Elle fit un pacte avec ses yeux : constamment elle les tenait fixés à terre, au point de rester étrangère à ce qui se passait autour d'elle, de ne rien voir et de ne pas reconnaître les passants. De même elle interdit à sa langue toute parole inutile; et, pour se punir de l'abus qu'elle estimait en avoir fait autrefois, il lui arrivait souvent de la frotter contre le sol de manière à la mettre en sang.

Mangeant uniquement pour vivre et forçant son corps à se contenter du nécessaire le plus strict et le plus réduit, elle s'interdit à jamais l'usage de la viande et des fruits qu'elle aimait beaucoup; et, lorsqu'on lui présentait quelque mets agréable qui pouvait la délecter, elle avait soin d'y mêler adroitement de la poudre d'absinthe ou d'aloès, de manière à lui donner un goût nauséabond et désagréable.

Elle s'astreignit aussi à dormir fort peu; souvent elle mettait dans son lit des ronces et des chardons pour se priver de la douceur du repos.

Mais, ainsi qu'elle nous le dit elle-même, Dieu qui voulait la laisser jouir du sommeil nécessaire, déjouait son calcul, et elle dormait aussi bien sur les épines que sur le duvet.

Non contente de ces différents exercices, elle portait constamment un très rude cilice; et tous les jours elle passait six à sept heures en Prières, immobile, agenouillée à nu sur la terre.

Elle avoue que le corps en souffrait beaucoup; mais elle dit aussi qu'il s'y soumettait et ne laissait pas pour cela de servir l'âme avec zèle et fidélité.

Les jeûnes auxquels elle se condamna étaient longs et sévères; cependant le feu qui la consumait desséchait à tel point son intérieur, que pendant les années qui suivirent sa conversion elle souffrit presque constamment d'une faim insatiable.

« Ce qu'elle avalait, dit son biographe contemporain, était tout aussitôt consumé; elle eût digéré le fer ».

Catherine s'attacha avec plus de soins encore à la mortification intérieure qu'à celle qui n'a rapport qu'à l'extérieur.

« Les macérations infligées au corps, avait-elle coutume de dire, sont parfaitement inutiles lorsqu'elles ne sont pas accompagnées de l'abnégation du moi ».

Pour mettre cette maxime en pratique, la sainte s'efforçait de découvrir toutes ses affections et les tendances de la volonté propre, afin de les vaincre et de les détruire.

Dès que son appétit naturel aspirait à une chose, elle la lui refusait et l'obligeait à embrasser l'opposé; dès que la nature éprouvait de l'horreur ou de la répugnance pour quoi que ce soit, Catherine agissait à l'encontre de ce sentiment, pour asservir plus complètement la chair à l'esprit.

Elle en vint ainsi à n'avoir plus aucun désir, aucune préférence, à se trouver, vis-à-vis de tout ce qui n'était pas Dieu, dans un état parfait de sainte indifférence.

Elle prit également l'habitude de se soumettre aux autres, d'obéir avec promptitude, même à ses inférieurs, lorsqu'ils lui commandaient des choses permises, mais contraires à sa volonté; exerçant ainsi la vertu d'Humilité dans sa plus grande perfection.

A toutes les mortifications dont nous venons de rendre compte, Catherine joignit encore les exercices de la Charité la plus sublime.

Fort peu de temps après sa conversion, elle se dévoua au service des pauvres malades. L'administration dite de la Miséricorde existait depuis longtemps à Gênes; elle avait été fondée en 1403, par l'archevêque Pileus Marinus, qui avait confié à quatre des principaux citoyens de la République la gestion des biens des malheureux et des hôpitaux.

Ces magistrats s'associaient habituellement huit dames nobles, riches, et de conduite irréprochables, lesquelles étaient chargées de veiller aux besoins des pauvres, notamment des pauvres honteux, et de les secourir.

Or les matrones qui remplissaient ces fonctions à l'époque dont nous nous occupons, prièrent Catherine d'aller à la recherche des infirmes répandus dans la ville et de leur donner ses soins. Elle ressentit une joie inexprimable lorsqu'elle vit que, par pure obéissance, et sans que la volonté propre s'en fût mêlée, il lui était permis de servir Notre-Seigneur Jésus-Christ dans la personne des infortunés; « et elle trouva de la sorte, dit son biographe anonyme, l'occasion d'exercer son ardente Charité et d'accomplir en même temps les actes de la mortification la plus héroïque ».

La sainte commença sans délai l'exercice de son nouvel emploi. Tous les jours, la noble jeune femme, vêtue avec la plus grande simplicité, et les yeux constamment baissés, suivant sa coutume, parcourait les rues et les places publiques pour découvrir les pauvres et les malades qui cachaient leur détresse.

Conduite par l'Amour divin, elle finissait toujours par les trouver, et elle s'empressait de leur prodiguer ses soins et de leur rendre les plus humbles services.

Rencontrait-elle quelques lépreux, quelques gens couverts d'ulcères ou de plaies engendrant la gangrène, ceux-là devenaient les objets de son dévouement le plus tendre; elle leur procurait des demeures saines et commodes, des lits, du linge, la nourriture et les remèdes dont ils avaient besoin; elle consacrait à cet emploi ses propres deniers aussi bien que les fonds de l'oeuvre de la Miséricorde.

Mais elle ne se bornait pas à ces soins généreux, elle remplissait auprès des malades les offices de garde et de servante, jusque dans leurs détails les plus rebutants; elle emportait dans sa demeure les haillons des pauvres, les purifiait, les lavait, les purgeait de la vermine, les raccommodait, et les rendait parfumés et remis en bon état à ceux à qui ils appartenaient.

 

Jamais Dieu ne permit qu'aucun des affreux insectes qui pullulent habituellement dans ces livrées de la misère s'attachât à Catherine.

Notre sainte, non contente d'aller à la recherche des malheureux dans les différents quartiers de la ville, se rendait très souvent aussi à l'hospice de Saint-Lazare, destiné aux incurables.

 

Des malades horribles à voir s'y trouvaient réunis; il en était qui, couverts de hideux ulcères de la tête aux pieds, répandaient l'odeur la plus infecte; désespérés par la souffrance, ils avaient sans cesse le blasphème à la bouche et prodiguaient  l'injure à tout ce qui approchait.

 

Catherine leur opposait une douceur inaltérable; elle les soignait, les nourrissait, les calmait et les exhortait à la patience, à se soumettre à la volonté de Dieu et à donner un mérite infini à leurs douleurs en les unissant à celles plus cruelles encore que Jésus-Christ avait endurées pour l'Amour d'eux.

Elle revenait si souvent à la charge qu'habituellement elle consolait et fortifiait ceux même qui, d'abord, s'étaient montrés les plus durs et les plus récalcitrants. Cependant notre jeune sainte avait livré de rudes combats et subi de terribles assauts, avant d'être arrivée à la faculté de voir et de soigner impunément toutes les misères humaines.

Elle avait une horreur, instinctive pour les maladies, les ordures, les mauvaises odeurs surtout; mais l'esprit lutta avec courage contre les répugnances de la chair.

Lorsque Catherine sentait son estomac en pleine révolte, à la vue de certains ulcères purulents et de certains insectes, elle portait résolument à la bouche ce qui causait son dégoût le plus violent et elle l'avalait.

Et ces actes héroïques elle ne se borna pas à les faire une ou deux fois, elle les répéta jusqu'à ce qu'elle eût remporté le triomphe le plus complet, et que la nature fût domptée assez parfaitement pour être devenue indifférente à toutes choses et ne trouver de plaisir ou de peine en rien.

Après que Catherine se fût livrée quatorze mois aux mortifications et aux oeuvres de Pénitence dont il a été question dans ce chapitre, Dieu lui révéla qu'elle avait abondamment satisfait à sa justice.

« A cette même époque, ajoutent ses biographes contemporains, le souvenir peignant de ses fautes, qui jusqu'alors l'avait poursuivie jour et nuit, lui fut enlevé complètement; de telle sorte qu'elle ne le garda pas plus que si tous ses péchés eussent été jetés au fond de la mer ».

 

Toutefois, malgré la certitude intime qu'elle éprouvait à cet égard, la sainte continua, pendant trois années encore, la Pénitence que nous avons décrite ci-dessus.

Au bout de ce temps, il n'existait plus en elle de vestiges d'aucun de ses appétits naturels; elle avait acquis une telle force dans les habitudes vertueuses, que la pratique de la perfection ne lui semblait accompagnée d'aucune difficulté, et qu'il ne lui arriva plus jamais d'avoir de tentation.

Chapitre VI

Détails sur la vie intérieure et sur les jeunes
extraordinaires de Catherine.

Tandis que Catherine domptait la nature, brisait ses inclinaisons et anéantissait la volonté propre, jamais elle ne perdait la présence de Dieu.

Elle ne l'avait pas perdue une seule fois depuis le jour où elle s'était vue terrassée comme un nouveau Saul dans le Confessionnal de Sainte Marie des Grâces.

« A partir de cet heureux instant, l'Amour divin remplit son être, à l'exclusion de tout autre sentiment ».

Jamais il n'y eut, dans Catherine de Gênes, de hauts et de bas, de mouvements de ferveur ou de prostration extraordinaire.

Sa conversion ne s'était pas faite peu à peu et graduellement; elle avait été complète et instantanée.

La sainte ne comprenait pas que l'âme qui aime Dieu pût ne pas être toute à lui dès le premier moment, et qu'il fût possible d'avancer méthodiquement dans les voies de l'Amour.

Elle avait parfois des discussions, à ce sujet, avec sa belle-soeur Thomasine Fiesca, pieuse femme de très grand mérite, qui, elle aussi, avait formé le projet de fuir le siècle et les dangers du monde.

Mais Thomasine, loin de rompre brusquement avec la société, se retirait peu à peu, avait peur de sa propre inconstance, et coupait doucement les liens qui l'avaient enlacée; en un mot elle cheminait lentement vers la perfection, par des vertus acquises.

Tandis que Catherine y était arrivée d'un seul bond, par la grâce de Dieu. Notre sainte blâmait la marche timide de sa belle-soeur, et lui disait parfois que le véritable Amour de Dieu ne pouvait s'arranger de tant de lenteur et de paresse à son service.

« Catherine, lui répondait alors Thomasine, vous prenez les choses en désespérée; j'ai peur de ne pouvoir persévérer, et je serais trop accablée de honte, s'il me fallait revenir sur mes pas ».

 

Et Catherine redoublait d'étonnement : la possibilité de retourner en arrière lui paraissait plus incompréhensible encore que tout le reste.

"Si je revenais sur mes pas, s'écriait-elle, presque hors d'elle-même, je voudrais non seulement qu'on m'arrachât les yeux, mais encore qu'on me couvrit de toutes sortes d'opprobres et de honte."

Les deux nobles femmes continuèrent cependant à suivre leurs différentes voies. Thomasine fit de grands progrès dans la vertu; ayant perdu son mari, elle prit le voile dans le couvent des dominicaines de Saint-Sylvestre, et vingt ans plus tard, Dieu se servit d'elle pour réformer un autre monastère du même ordre. Les contemporains célèbrent sa haute prudence, sa sainteté et son grand amour de Dieu.

Thomasine a laissé divers écrits et traités de dévotion très estimés; elle avait un talent remarquable pour la peinture, et, pendant plusieurs siècles, ses ouvrages en tapisserie ont fait l'admiration du public; elle mourut en 1535, âgée de quatre-vingt-six ans.

 

Quant à Catherine, Dieu seul continua à faire ses opérations dans son âme et à la guider vers les hauteurs de la perfection la plus sublime, sans l'assistance d'un Prêtre régulier ou séculier. Elle se bornait à se Confesser; mais, pendant vingt-cinq ans, elle n'eut en qualité de directeur spirituel que Notre-Seigneur Lui-même par ses instructions, il réglait la vie intérieure et extérieure de la sainte et lui apprenait tout ce qu'elle devait savoir.

"Dieu, qui s'était chargé du soin de ma sanctification, dit à ce propos Catherine, ne voulait pas qu'un autre que lui ne se mêlât de cette affaire."

Cette marche, tout exceptionnelle, a quelque chose qui effraie à la première vue; elle est contraire à la pratique que recommande l'Eglise comme la plus prudente et la plus sûre.

La direction d'un guide sage et éclairé met en effet à l'abri des illusions de la vanité et des pièges du démon.

Toutefois, saint Grégoire-le-Grand nous enseigne, dans ses Dialogues, que parfois Dieu conduit directement certaines âmes privilégiées, sans l'intervention d'aucune créature.

« Il est des âmes, dit ce grand Pape, qui ont le Saint-Esprit pour maître; de sorte que, si la conduite des docteurs leur manque, la censure du maître des docteurs ne leur fait pas défaut. Mais, ajoute saint Grégoire, cette voie de liberté ne convient pas à tous.

Que les faibles prennent garde de se croire ainsi sous la conduite du Saint-Esprit, de peur qu'ils ne deviennent maîtres de l'erreur, en refusant de se constituer les disciples d'un homme.

 

L'âme qui est véritablement remplie de l'Esprit-Saint a, pour le savoir, des signes infaillibles, le progrès des vertus et l'Humilité ».

Les deux signes que saint Grégoire-le-Grand indique comme infaillibles se trouvaient réunis au plus haut degré dans Catherine; d'ailleurs, ses biographes les plus anciens nous apprennent que Dieu prenait soin de la rassurer et de dissiper les inquiétudes qu'on chercha à lui inspirer en diverses rencontres, à l'occasion de la voie qu'elle suivait.

Cédant à l'avis de ceux qui lui disaient qu'elle marcherait plus en sûreté dans le chemin de l'obéissance, il lui arriva quelquefois de vouloir se soumettre à une direction spirituelle; mais elle éprouvait  alors un découragement et un malaise intérieur si grands, qu'elle était obligée de renoncer à son projet; et elle entendait distinctement la voix de son bien-aimé, qui lui disait en son coeur :

« Confie-toi en Moi, et ne te laisse pas troubler par ces pensées de crainte ».

Dieu, qui voulait la diriger seul, avait avec elle des colloques dans lesquels il lui donnait d'admirables leçons.

Les trois premières règles d'une vie parfaite que le Céleste précepteur communiqua à cette âme prédestinée furent les suivantes :

« Ma fille, que jamais on ne vous entende dire : “Je veux, ou je ne veux pas; Vous ne direz jamais : Le mien, mais toujours, le nôtre; Ne vous excusez jamais; mais soyez toujours prête à vous accusez” ».

Catherine grava ces leçons dans son coeur, et dans sa mémoire, et les mit fidèlement en pratique pendant toute sa vie.

« En une autre occasion », disent ses biographes contemporains et les pièces de canonisation, « le Maître suprême, parlant à sa disciple bien-aimée, lui dit :

“Je veux que vous donniez pour fondement à votre vie spirituelle ces paroles du Pater : Que votre volonté soit faite; cela signifie, ma fille, que vous devez vous conformer parfaitement à la volonté de Dieu, en toutes choses, à savoir, en tout ce qui a rapport à votre corps et à votre âme, à vos parents et à vos amis, à vos propriétés, à vos joies et à vos douleurs.

Dans la salutation angélique, vous choisirez le mot Jésus, vous l'imprimerez profondément dans votre coeur, et, dans toutes les occasions et les nécessités de votre vie, ce mot divin vous servira de guide et de bouclier.

Je veux aussi que vous preniez dans tous les livres saints une seule expression, qui en est comme la substance et le sommaire; la voici : Amour.

L'amour vous rendra droite et gaie, prête à tout, fidèle, courageuse, et il vous préservera de toute erreur.

Il vous dirigera par sa lumière, sans que jamais l'assistance d'aucune créature vous soit nécessaire; car jamais l'Amour n'a besoin d'aide; il suffit pour faire réussir tout ce qu'il entreprend; il ne redoute rien; rien ne le fatigue, le martyre même lui semble plein de douceur. Aucune parole ne saurait donner une juste idée ni de la puissance de l'Amour, ni de ses effets.

 

Enfin l'amour règlera et purifiera vos inclinaisons et vos sentiments, et il consumera toutes les autres affections de votre âme et de vos sens” ».

Catherine obéit merveilleusement à ces enseignements Célestes, et Dieu la combla de grâces de plus en plus extraordinaires.

L'une de ces grâces lui fut accordée au commencement du carême de la troisième année après sa conversion.

Au jour de l'Annonciation, Notre-Seigneur fit entendre sa voix au coeur de la sainte et l'invita à l'accompagner dans le désert pour jeûner avec lui.

Elle accepta avec joie, et, au même moment, elle perdit complètement le goût des aliments corporels et la faculté d'en faire usage.

Elle resta jusqu'à Pâques sans prendre d'autre nourriture que le pain des Anges, qu'elle recevait chaque matin.

Les trois jours de la Fête, elle retrouva la faculté de manger, puis elle la perdit de nouveau, jusqu'à l'accomplissement de la sainte quarantaine.

Pendant les premiers temps de ce jeûne prodigieux, Catherine craignit que l'excessive répugnance qu'elle éprouvait pour les aliments ne fût une illusion produite par Satan.

Elle continua donc à s'asseoir tous les jours à la table commune, et elle fit des efforts inouïs pour manger.

Mais aussitôt que, surmontant son dégoût extrême, elle avait avalé quelque chose, son estomac le rejetait avec d'inexprimables douleurs.

Ses commensaux stupéfaits d'un phénomène aussi extraordinaire, eurent inutilement recours à tous les moyens qu'emploie la médecine en pareil cas; et ne sachant plus qu'imaginer, ils firent ordonner à Catherine, par son Confesseur, de manger comme tout le monde.

Elle obéit avec sa promptitude habituelle; mais, cette fois, le vomissement fut encore plus douloureux que les précédents, et la sainte sembla prête à rendre le dernier soupir.

Le Confesseur, admirait l'opération Divine, n'osa plus renouveler l'expérience.

A partir de ce moment et pendant vingt-trois années consécutives, Catherine Adorne observa ce jeûne complet durant tous les carêmes et tous les avents.

Jamais elle ne mangeait depuis le lundi de la Quinquagésime jusqu'au dimanche de Pâques, ni depuis la Saint-Martin jusqu'au jour de Noël; seulement elle prenait de loin en loin un verre d'eau mêlée de sel et de vinaigre, non point par goût ou par besoin, mais en mémoire de la boisson offerte au Sauveur Crucifié.

« Et lorsqu'elle avalait ce détestable breuvage, ajoutent ses biographes, on eût dit, au bruit qu'il opérait dans l'estomac de la sainte, qu'il tombait sur une pierre rougie au feu, tant était grande l'ardeur intérieure qui la consumait ».

Il ressort avec évidence des témoignages contemporains et de toutes les pièces du procès de Canonisation que, durant ses longues abstinences, Catherine se sentait plus forte et plus robuste qu'à l'ordinaire; elle travaillait davantage sans se fatiguer, dormait plus longtemps et mieux, et avait toutes les apparences d'une santé plus florissante que d'habitude [1].

Son humilité ne subit aucune altération à la suite des grâces et des faveurs visibles et extraordinaires que Dieu lui accordait; car, un jour que plusieurs personnes s'étonnaient de son jeûne prolongé, elle s'écria :

« Si nous voulons admirer les opérations Divines, occupons-nous plutôt des grâces intérieures que des choses extérieures.

Mon abstinence est l'oeuvre de Dieu, ma volonté n'y est pour rien.

Je ne puis donc m'en glorifier; nous ne devons pas même nous en étonner, car rien n'est difficile au Seigneur.

Attachons-nous à considérer uniquement l'Amour avec lequel sa Divine Majesté opère dans tout ce qu'elle fait, pour subvenir à nos nécessités et pour sa Gloire.

Quand l'âme voit les oeuvres si pures et si nettes de cet Amour, qui agit sans considération d'aucun mérite de notre part, elle sent qu'à son tour elle doit aimer Dieu d'un amour désintéressé, n'ayant en vue que le Seigneur, et non pas les grâces qu'elle en pourrait recevoir; elle comprend que Dieu est digne d'être aimé pour lui-même, sans mesure, et sans égard à aucun intérêt personnel ».

Baillet, disciple zélé et fidèle de la triste école qui s'est efforcée de dépouiller les saints de leur auréole et de faire disparaître les miracles de l'histoire de l'Eglise, a cherché à jeter du doute sur le fait si avéré des jeûnes de Catherine de Gênes.

Il le combat par de pitoyables raisons, dont la principale est que la chose lui paraît incroyable. Baillet réussit simplement à faire acte d'aveuglement et d'ignorance : d'aveuglement, parce qu'un événement miraculeux attesté unanimement par les témoins contemporains les plus dignes de foi, examiné d'après toutes les règles de la critique historique, et reconnu véritable dans un procès de Canonisation, ne saurait être raisonnablement l'objet d'un doute; d'ignorance, parce qu'il lui eût suffi de jeter un coup d'œil sur les annales ecclésiastiques, pour trouver une foule d'exemples de jeûnes semblables.

On les rencontre à travers tous les siècles, depuis les temps de saint Siméon Styliste et de saint Patrick, apôtre de l'Irlande, jusqu' à ceux de saint Nicolas de Flue, qui, pendant vingt années, ne prit aucune autre nourriture que la très sainte Eucharistie, de sainte Catherine de Sienne, d'Angèle de Foligno, et de tant d'autres saints qu'il est inutile de citer ici.

Chapitre X

Ardent Amour de Sainte Catherine
pour la Très Sainte Eucharistie.

Catherine était dominée par une seule pensée; elle voulait arriver à l'union avec Dieu, la plus complète, la plus intime, où puisse parvenir la créature; et, comme elle savait que la Divine Eucharistie est le moyen le plus puissant d'union que nous ait donné Notre-Seigneur, elle avait, ainsi que nous le disions précédemment, une faim insatiable, et elle s'y sentait irrésistiblement attirée.

Aussi Catherine, toujours prête à se soumettre en toutes choses à la volonté d'autrui, ne réussit jamais à briser la sienne sur cet article.

Assurément elle n'eût pas Communié contrairement aux ordres de son Confesseur; et, s'il lui avait défendu de s'approcher de la table sainte, elle s'en fût abstenue sans réclamation; mais le violent désir de recevoir Son Dieu, caché sous les espèces Consacrées, lui serait toujours resté.

Elle exprima un jour ce qu'elle eût éprouvé en semblable circonstance : " Si mon Confesseur me disait : Je ne veux pas que vous Communiez, s'écria-t-elle, je lui répondrais : Très bien, mon Père!

Seulement je ne puis pas dire comme vous : Je ne veux pas, car je voudrais bien.

Après avoir prononcé ces paroles, Catherine ajouta : " je ne trouve en moi que deux choses auxquelles je ne puis consentir, et une troisième chose qu'il m'est impossible de ne pas vouloir et désirer.

Celle que je désire est la sainte Communion, parce que la Communion est Dieu même; celles auxquelles je ne saurais consentir sont : le péché, pour petit qu'il soit, et la Passion de Notre-Seigneur.

J'ai beau faire, je ne peux vouloir que Dieu, mon Amour, ait enduré de si grands supplices; j'aimerais mieux, si c'était possible, souffrir pour toutes les âmes autant de peines qu'il y en a en enfer [5].

Quels que fussent l'état de la santé de Catherine et les affaires dont elle était chargée, elle Communiait tous les jours.

Il advint une fois qu'un religieux qui la connaissait à peine, c'était à ce que l'on croit le P. Ange de Clavasio, parlant devant elle de la fréquente Communion, lui dit : « Vous Communiez tous les matins, comment vous en trouvez-vous ? »

La sainte lui répondit avec vérité et simplicité. Alors le religieux, voulant voir si ce désir violent venait vraiment de Dieu, ou s'il était simplement naturel, lui répliqua qu'il pourrait bien y avoir du défaut et de l'abus à Communier si souvent : et lui ayant parlé de la sorte, il s'en alla.

Catherine, qui avait la conscience excessivement délicate, fut effrayée; et s'abstint pendant plusieurs jours de s'approcher de la sainte table.

Son obéissance lui coûta cher. Elle fut en proie, pendant ces jours d'épreuve, à d'indicibles angoisses et aux douleurs les plus affreuses.

Les personnes qui l'entouraient reconnurent ainsi que l'expérience qu'on voulait faire sur elle n'était pas conforme à la volonté de Dieu, et que la Communion seule pouvait mettre un terme à ses souffrances.

Ils firent revenir le P. Ange; celui-ci répara le mal qu'il avait fait, en exhortant la sainte à retourner à sa première coutume, et il l'assura qu'elle pouvait le faire sans abus ni défaut.

En une autre occasion, Catherine, gravement malade, n'avalait plus rien et semblait à toute extrémité.

Les médecins, après avoir inutilement employé toutes les ressources de la science, déclarèrent qu'il n'y avait plus rien à faire, que le cas était désespéré et la mort prochaine.

Alors la sainte, accablée sous le poids d'une angoisse immense, mais intérieurement éclairée de Dieu, dit à son Confesseur :

« Mon cœur n'est pas fait comme celui des autres : il ne se réjouit que dans Son Seigneur; et pour cette cause donnez-le-moi, car si je reçois trois fois la sainte Communion, je serai guérie ».

Le Confesseur, sachant qu'en effet ce seul aliment entretenait la vie en elle, le fait Communier ainsi qu'elle le demandait, et le fait justifia pleinement la prédiction.

Une autre fois elle rêva, étant endormie, qu'elle ne devait pas Communier le jour suivant; et, bien qu'elle pleurât difficilement, elle trouva, en se réveillant, son oreiller trempé et tout pénétré de larmes.

Souvent pendant la messe elle était ravie en extase; mais elle revenait toujours à elle pour la Communion, et elle s'écriait :

« Ah ! Seigneur, je crois que si j'étais morte, je ressusciterais pour vous recevoir, et si l'on me présentait une hostie non consacrée, je la distinguerais comme l'on distingue l'eau du vin ».

 

Elle disait cela, parce qu'elle recevait de l'hostie Consacrée un certain rayon d'Amour qui lui transperçait le plus profond du cœur.

« Elle affirmait également que, si elle voyait toute la cour Céleste vêtue uniformément, de sorte qu'il n'y eût aucune différence entre Dieu et les anges, l'Amour qu'elle portait en son cœur reconnaîtrait Son Seigneur, de même que le chien fidèle reconnaît son maître; et avec moins de difficulté encore, parce que l'Amour trouve, sur-le-champ et sans empêchement, son dernier repos en Dieu, qui est sa fin ».

Le temps qui s'écoule entre la Consécration et la Communion lui paraissait toujours d'une intolérable longueur, elle disait alors dans son intérieur :

« Hâtez-vous de l'envoyer au plus profond de mon coeur, c'est sa nourriture et son Amour; il ne peut supporter de la voir dehors ».

Les Prêtres, ainsi qu'elle le répétait souvent au commencement de sa conversation, étaient de sa part les objets d'une sainte jalousie.

Elle leur enviait le Bonheur de pouvoir Communier quand ils le voulaient et sans que personne s'en étonnât, de toucher de leurs mains Le très saint Sacrement, et surtout de Célébrer trois messes dans la Bienheureuse nuit de Noël.

Il arriva, en 1489, que le Pape Innocent VIII mit un interdit de dix jours sur toutes les églises de Gênes.

Catherine, ne pouvant plus y Communier, se rendit tous les matins dans une chapelle située à une demi-lieue de la ville, pour y recevoir le Pain de Vie; « et, ajoute notre vieil historien, son désir de s'unir à son Bien-aimé était si grand, qu'il lui semblait que son corps se transportait aussi vite que son esprit au lieu où elle le retrouvait ».

Date de dernière mise à jour : 15/09/2024

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