Saint Géraud d'Aurillac (854-909). Fête le 13 Octobre.

Dimanche 13 Octobre 2024 : Fête de Saint Géraud d'Aurillac (854-909).

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http://nominis.cef.fr/contenus/saint/2010/Saint-Geraud-d-Aurillac.html.

Saint Géraud d'Aurillac

Fondateur de l'Abbaye d'Aurillac (? 909)

Gérault ou Gérard.
Son père le destinait à l'Église parce qu'il était fragile. Géraud apprit alors la grammaire et le plain-chant.
Quand il fut guéri, son père le destina au métier des armes. Il fut alors parfaitement à même de lui succéder comme seigneur d'Aurillac.
Mais, à l'inverse, Géraud résolut de suivre en tout l'Évangile après une tentative de mariage qui échoua.
Il voulait rester constamment en présence de Dieu et faisait régner la justice sur ses terres. Il affranchit de nombreux serfs, rendait la justice à jeun pour que le vin n'influe pas sur ses jugements. Il savait pardonner.

On raconte qu'ayant appris que son bailli avait condamné à mort deux malfaiteurs, il les envoya chercher des lianes dans la forêt et de les rapporter pour se faire pendre.
Ils ne revinrent jamais car il n'y avait pas de lianes dans le forêt et saint Géraud le savait.

Saint Odon de Cluny nous a laissé la vie de saint Géraud.
Le bon Comte: Saint Géraud d’Aurillac ...sa mère a été Canonisée par l'Église comme modèle de mère Chrétienne: sainte Adeltrude... il est le véritable Fondateur de la ville d’Aurillac... dans un siècle barbare, il mit tous ses soins, à faire régner le droit, la Justice, la Charité envers les plus pauvres... (diocèse de Saint-Flour)

Voir aussi le site de l'Église catholique d'Aurillac, paroisse Saint-Géraud.
"Géraud d'Aurillac vécut de l'an 854 à l'an 909. Sa vie a été relatée par Odon, Abbé de Cluny qui en a fait le modèle chevaleresque du seigneur Chrétien mettant sa force et ses richesses au service de la justice et des humbles.

A la mort de ses parents, Géraud se retrouve à la tête d'un domaine considérable qui s'étend dans le Rouergue.
Ayant fait savoir qu'on peut lui adresser directement des requêtes, il assure sa protection aux habitants.
S'appliquant à vivre selon les Évangiles, il donne à ses serfs la propriété de leur terre, accueille les pauvres à sa table et s'efforce de limiter la violence des guerres.

Il est déclaré Saint par la voix populaire, l'un des premiers reconnus par l'Église sans avoir été martyr ni être rentré sous les ordres."
(source: "Saint Géraud, une pierre vivante du diocèse de Saint-Flour" 11e centenaire de la mort de Saint Géraud)

"11 siècles de la mort de Saint–Géraud, dans son lieu de prédilection 'Cézerniac', actuellement Saint-Cirgues: Ni Moine, ni Prêtre, le Comte Géraud administrait ses terres étendues de Belmont-sur-Rance en Aveyron , jusqu’au Puy Griou dans le Cantal, en mettant en pratique sa haute idée de la Justice, de la liberté et de la paix.
Par dessus tout, rayonnait sa Charité qui retentit en un message traversant 11 siècles. Il mourut aveugle à Saint – Cirgues, au milieu de ses terres, où se trouve encore le rocher en forme de prie-Dieu, d’où l’on peut contempler Lot, Aveyron et Cantal." (diocèse de Cahors)

En Auvergne, l’an 909, Saint Géraud, comte d’Aurillac. Attentif aux indigents qu’il invitait à sa table et qu’il servait lui-même, habile guerrier, qui sut faire des vaincus ses amis, il vécut dans le monde une véritable consécration religieuse et accepta généreusement la cécité qui le frappa à la fin de sa vie.

Martyrologe romain.

Aurillac la statuette de saint ge raud a l e glisehttps://levangileauquotidien.org/FR/display-saint/1e1cce6d-36ba-480d-ab61-516de375918d

 Saint Géraud d'Aurillac
Fondateur de l'Abbaye d'Aurillac
(850-909)

Fils du baron d'Aurillac, et étant de constitution très fragile, peu croyaient qu'il puisse marcher dans les traces de son père. Pourtant il en guérit, apprit les armes et succéda à son père, à la mort de celui-ci.
Se tournant vers Dieu, il se fit d'abord pèlerin à Rome.
À son retour en Auvergne, il fonda, dans sa ville natale, un Monastère où il souhaitait se retirer dans la Prière.
Convaincu par son conseiller Saint Gausbert de rester dans le monde, il chercha à devenir un exemple vivant pour le peuple.
Considérant chacun comme un frère, il affranchissait deux fois plus de serfs chaque année que les seigneurs voisins.
Il ne buvait jamais avant les jugements pour rendre des avis équitables et aimait à pardonner.

L'on raconte cet épisode : ayant appris que son bailli avait condamné à mort deux malfaiteurs, il les envoya chercher des lianes dans la forêt et leur ordonna de les rapporter pour se faire pendre.
Ils ne revinrent jamais, de plus il n'y avait pas de liane dans la forêt.

Devenu aveugle avant ses 50 ans, il supporta son mal en patience, à l'admiration de tous. Il mourut, dit-on, en « odeur de sainteté ».
Il est le patron de la Haute-Auvergne. Saint Odon de Cluny nous a laissé la vie de Saint Géraud.

St geraud 1Saint Géraud avec les armoiries de l'Abbaye et de la ville d'Aurillac.
Téléversé par NdFrayssinet

http://fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%A9raud_d%27Aurillac.

Saint Géraud (né en 854 au château Saint-Étienne d’Aurillac - mort le 13 Octobre 909 à Cezeinac en Quercy, peut-être Saint-Cirgues), était le fils de Géraud, seigneur d’Aurillac, et d’Adeltrude, qui fut également canonisée. Saint Arède d’Atane et saint Césaire d’Arles figuraient parmi ses ancêtres indirects.

Fondateur de l'abbaye d'Aurillac, modèle de celle de Cluny, sa vie a été relatée par Odon de Cluny qui en a fait le modèle chevaleresque du seigneur Chrétien qui met sa force et ses richesses au service de la Justice et des humbles.

Vie

Géraud, ou aussi Guiral en ancien dialecte, qui portait comme son père le titre de comte (bien qu'Aurillac ne fût pas un comté), était destiné à mener une vie de seigneur conforme à son rang.

On lui apprit donc le métier des armes, la chevauchée et l'art de la chasse au faucon. Grand, agile et de belle apparence, il était de santé fragile et on lui enseigna aussi le chant, la grammaire et les Saintes Écritures.

Il étonnait les clercs qui paraissaient à la table de ses parents par l'importance de ses connaissances. Il connaissait aussi le droit romain.

À la mort de ses parents, il se retrouva à la tête d'un domaine considérable qui s'étendait dans le Rouergue, et exerça toutes les fonctions d'un seigneur : il tenait son plaid, refusait de déléguer complètement sa justice à des officiers, ayant fait savoir à tous qu'on pouvait lui adresser directement des plaintes et des requêtes.

Il assurait sa protection aux habitants en prenant lui-même la tête des équipées militaires destinées à réprimer les bandes armées venus des pays voisins.

S'appliquant à vivre selon les Évangiles, il affranchissait les serfs en leur donnant la propriété de leur terre, accueillait les pauvres à sa table et s'efforçait de limiter la violence des guerres en s'en remettant au jugement de Dieu.

C'est ainsi qu'on le vit avant un combat, dire à ses hommes de charger comme lui en tenant leurs armes le manche en avant, et tous les ennemis être pris de panique devant une telle assurance.

Il ne voulut jamais se marier, et dissimulait sa tonsure sous une coiffure qui indiquait sa qualité et qu'il ne quittait jamais ; en effet les seigneurs avaient gardé l'usage de porter les cheveux longs et les cheveux tondus étaient une marque de servitude.

Un soir de chevauchée dans la Châtaigneraie, il avait reçu l'hospitalité d'un modeste paysan et fut saisi par la beauté de sa fille qu'il vit assise à la lumière de la cheminée.

Le chroniqueur de sa vie dit qu'il fut tenté et ne succomba pas, mais rapporte qu'il revint plusieurs mois après pour demander le pardon à son père et doter sa fille.

Fondations

Géraud fonda vers 885 l'abbaye d'Aurillac à laquelle il donna, par un testament et un codicile en 898, tout son domaine. Il lui avait choisi la règle de saint Benoît, réformée à cette époque par saint Benoît d'Aniane.

Ayant repoussé les offres de son parent le duc d’Aquitaine Guillaume Ier le Pieux qui lui proposait de placer sa fondation sous sa protection, et qui fondera Cluny sur le même modèle qu'Aurillac, Géraud avait tenu à rendre sa fondation autonome des hiérarchies féodales et ecclésiastiques en la mettant sous la protection directe du Pape et du roi qui lui accordèrent chacun un diplôme d'immunité. C'est pour cette raison que l'abbé d'Aurillac était mitré et crossé, et portait le titre de comte.

À la fin de sa vie, Géraud d'Aurillac devint aveugle.

Il souffrait de constater que la construction des bâtiments n'allait pas assez vite (la nouvelle église avait été mal construite et avait dû être reconstruite) et que le zèle des moines qu'il avait fait venir de Vabres faiblissait.

Sa mort

Géraud avait perdu la vue sept ans avant le moment de sa mort, mais son regard était resté tellement animé qu'on ne s'en rendait pas compte.

Quand il sentit sa fin approcher, il fit prier Adalard, évêque d'Auvergne.

Au moment où il est mort, il séjournait à Cezeinac, église qui relevait de lui et qui était dédiée à saint Cirice.

Ce lieu n'est pas identifié avec certitude : certains auteurs pensent qu'il s'agit de Cézernac ou Cezens, d'autres de Saint-Cirgues.

Géraud est mort un vendredi, le 13 octobre 909. Son corps fut rapporté à Aurillac, comme il l'avait voulu, et il fut enterré le Dimanche suivant proche de l'Autel de Saint Pierre dans l'église du Monastère qu'il avait fondé.

Vénération

Géraud fut déclaré Saint par la voix populaire. C'est un des premiers exemples de Saint à avoir été Canonisé sans avoir subi le martyre ou être entré dans les Ordres.

À la demande de l'évêque de Limoges, Turpin, sa vie fut écrite par saint Odon, qui fut d'abord Abbé d'Aurillac et qui a connu des témoins directs de sa vie.

Il fait de Géraud le portrait de l'homme riche et puissant qui, sans renoncer à ses fonctions, met la force et la richesse au service des faibles et des pauvres. C'est sans doute le premier modèle du chevalier chrétien.

C'est dans l'Abbaye fondée par Géraud que le jeune Gerbert d'Aurillac, sera instruit et s'initiera à la vie monastique. Extrêmement savant, il deviendra Pape à l'époque de l'An Mil sous le nom de Sylvestre II.

En effet, l'abbaye d'Aurillac était dotée d'un scriptorium, où l'on enseignait les disciplines du trivium, (surtout la grammaire et la rhétorique) et le quadrivium.

Elle était constamment restée en contact avec la Catalogne, foyer intellectuel de premier plan où étaient conservées de nombreuses copies d'œuvres antiques comme celles d'Isidore de Séville ou de Boèce.

Une chasse en argent, qui a été faite pour conserver ses restes et les présenter à la vénération des fidèles, a été fondue par les calvinistes lorsqu'ils ont occupé et pillé Aurillac. Une partie de ses restes a été récupérée.

Le tombeau de cet homme juste, bon et courageux, dans la magnifique abbatiale, constituait une étape importante, pendant tout le Moyen-Âge, pour les pèlerins en route vers st. Jacques de Compostelle.

Saint Géraud est célébré le 13 octobre.

Geraud 1 Statue de Saint Géraud à Aurillac. (Pour la voir en grand format: geraud.jpg geraud.jpg).

Sa vie fut écrite par saint Odon, qui fut d'abord abbé d'Aurillac et qui a connu des témoins directs de sa vie.

Vita Geraldi Auriliacensis (1)

VIE DE GÉRAUD D'AURILLAC

par Odon, Abbé de Cluny

PRÉFACE

On voit très souvent mettre en doute l'authenticité des faits qui nous sont rapportés du bienheureux Géraud. Certains vont à l'extrême : " Non seulement inauthentiques, disent-ils, mais pures rêveries ! "

Il en est aussi qui, pour se trouver des prétextes à vivre dans le péché, mettent très haut notre saint, mais en déformant les choses : " Géraud ! Mais il a eu haut rang et fortune, il a eu à sa portée tous les plaisirs, et pourtant c'est un saint !... " C'est évidemment leur vie à eux, toute livrée au plaisir, qu'ils voudraient pouvoir ainsi autoriser de son exemple à lui. Ces façons de voir, nous voudrions, dans la mesure de nos moyens, les discuter ici un instant.

Car nous aussi, et longtemps, le récit de ses miracles ne nous trouva pas moins incrédule, cela pour la raison surtout qu'en certains endroits, on voit, sur je ne sais quels bruits, se produire tout à coup de ces grands concours de peuple, qui très vite aussi se dissipent comme un vain rêve.

Mais une occasion s'étant présentée de rendre visite à nos frères du monastère de Tulle, nous en profitâmes pour nous rendre à son tombeau.

Là, nous demandâmes à voir quatre de ceux dont il avait lui-même assuré l’éducation, savoir : le moine Hugues, le Prêtre Guibert, et deux nobles laïcs, Guitard et un deuxième Guibert . C'est auprès d'eux, mais aussi d'un grand nombre d'autres personnes, que nous avons soigneusement mené notre enquête sur ses habitudes courantes et son genre de vie, prenant soin de les interroger, tour à tour, ensemble ou séparément, pour bien voir ce sur quoi ils étaient tous d'accord, ce sur quoi leurs dires ne concordaient pas tout en examinant à part nous si cette vie était bien telle qu'il fût normal d'y rencontrer des miracles.

L'enquête fut concluante en faveur d'une sainte vie. Dieu a bien voulu maintenant, dans sa bonté, nous en fournir d'abondantes preuves, et il ne nous est plus possible d'élever des doutes sur cette sainteté.

Une chose qui accroît encore notre admiration, c'est que, de nos jours, où la divine charité, aux approches de la venue de l’Antéchrist, voit se refroidir à peu près complètement sa ferveur, il semblerait que dussent disparaître aussi les miracles des saints.

I.1.

5. NÉ À AURILLAC

L'homme de Dieu que lut Géraud appartient par ses origines à cette partie des Gaules que les Anciens appelaient " Gaule Celtique ", plus précisément à la région qui se situe aux confins de l'Auvergne et du Quercy, et même de l'Albigeois, et c'est dans l'oppidum ou villa d'Aurillac qu'il vint au monde.

Son père avait nom Géraud, et sa mère Adeltrude.

Si la noblesse de sa naissance lui conféra un rang supérieurement brillant, c'est qu'entre les nobles maisons des Gaules, sa famille à lui révélait assez cette excellence aussi bien par la fortune que par la probité morale.

L'honnêteté des mœurs, en effet, et l'esprit religieux, dont ses parents donnèrent toujours des preuves, furent chez eux, nous rapporte-t-on, comme une sorte de trésor héréditaire.

Deux témoins issus de la même souche en sont une preuve qui se suffit largement à elle-même : à savoir Césaire l'évêque d’Arles, et le bienheureux Abbé Yrieix.

Et comme Le Seigneur protège la lignée des justes, que d'autre part la lignée dont est issu Géraud fut celle d'âmes à la recherche du Seigneur, rien d'étonnant qu'on voie la Bénédiction de Dieu sur Cette lignée de justes .

De fait, la fortune matérielle qui fut la leur, on en a déjà une indication par ces vastes domaines, aux nombreuses fermes, et dispersés un peu partout, qui échurent à ce même Géraud par droit de succession.

Quant aux vertus qui firent l'ornement de son âme, et dont il avait puisé le germe en ses parents, il sut en lui les faire croître et grandir et resplendir ; mais en ceux dont il naquit, il faut bien d'une certaine manière que la grâce ait été non moins éclatante eux qui méritèrent de donner le jour à un enfant qui en fut si richement comblé.

I.2.

6. UN SONGE DE SON PÈRE

Quoi qu'il en soit, son père s'attachait si bien, dans le mariage même, à observer la chasteté, que, de temps à autre, il renonçait au lit conjugal, et couchait seul, en vue, selon le mot de l'Apôtre, de s'adonner, pour un temps, à la Prière .

Or, une nuit, déclare-t-on, et alors qu'il dormait, il lui fut donné l’avis d'avoir commerce avec sa femme : un fils lui naîtrait car il lui fut mandé également, ajoute-t-on, de lui donner le nom de Géraud, et il lui fut dit, en outre, que cet enfant serait du tout premier mérite.

Il s'éveilla, et se trouvait tout heureux de sa vision. Il se rendormit ensuite. Or, il lui sembla voir sortir du pouce de son pied droit une sorte de rameau, qui peu à peu devenait un grand arbre, et qui, finalement, poussant de tous côtés ses branches, s'étendait dans toutes les directions.

Il appelle alors, lui parut-il, ses ouvriers, et leur commande de l'étayer de piquets et d'échalas. Cependant, l'arbre avait beau croître démesurément, lui ne le sentait pas peser le moins du monde sur son orteil.

Assurément, les visions qu'on peut avoir en songe ne sont pas nécessairement illusoires. Et s'il faut ajouter foi à un songe on peut bien dire aussi que la vision qu'on nous raconte là s'accorde parfaitement avec la réalité des faits qui suivirent.

En tout cas, il eut commerce avec sa femme, et, selon ce qu'avait prédit la vision, elle conçut un fils.

Peut-être cependant, puisqu'il s'agit de songe, y a-t-il place pour le doute. Mais, de la sainteté de Géraud, un autre signe, bien assuré celui-ci, suivit bientôt le premier.

I.3.

7. UN " SIGNE " PRÉNATAL

Alors que sa mère approchait de ses couches, plus exactement huit jours avant sa naissance, il arriva ceci : elle était au lit avec son mari, aucun des deux ne dormait encore, et ils causaient entre eux de je ne sais quoi, lorsque l'enfant fit entendre un petit cri que tous deux entendirent très bien.

Tout surpris, et même stupéfaits, ils se demandaient ce que ce pouvait être. Il leur était cependant impossible de méconnaître que le cri s'était fait entendre dans le sein de la mère.

Le père sonne donc la chambrière, et lui dit d'apporter de la lumière pour voir d'où a pu partir ce vagissement.

"Mais il n'y a absolument pas d'enfant ici pour avoir poussé ce cri ! ", lui dit cette femme, non moins étonnée qu'eux. Or, à ce moment, l'enfant, pour la seconde fois, se fit entendre. Et au bout de quelques instants, une troisième fois encore, cri tout à fait analogue aux vagissements ordinaires d'un nouveau-né.

C'est donc trois fois qu'on l'entendit dans le ventre de sa mère, et le fait est certes assez extraordinaire pour qu'on puisse affirmer qu'il est contraire aux lois de la nature.

Il n'est pas dû au hasard, mais à une disposition particulière de Dieu auteur et ordonnateur de la Création.

Par conséquent, peut-être faut-il voir dans ce cri un présage de ce fait que, dès la captivité dans cette vie mortelle, ses actions auraient déjà leur source dans la seule vraie vie.

Si le fruit, en effet, que la mère porte dans son sein a la vie, mais non la conscience, de même le genre humain tout entier, ici-bas, après le péché du premier homme, se trouve pour ainsi dire enfermé dans l'étroit réduit d'entrailles maternelles.

Sans doute, par la Foi, sa vie y connaît déjà l'espérance de la Gloire des enfants de Dieu, mais cependant tout ce qui suppose une vie consciente, comme le simple fait de voir, et, plus encore, l'activité consciente au degré dont en put jouir le premier homme avant le péché ou dont sont doués les Saints après cette vie, lui n'a aucun moyen de l'exercer, en tout cas que difficilement et de façon très réduite.

Si donc Géraud encore dans le ventre de sa mère, se fit très distinctement entendre, c'est que, apportant à sa Foi en la sainte Trinité une ardeur bien supérieure à celle du commun des hommes, il voulut, par ce tout petit cri, donner à comprendre l'heureuse renommée dont il allait remplir le monde.

I.4.

8. PORTRAIT DE GÉRAUD ENFANT

Une fois sevré, et parvenu à cet âge encore bien tendre où cependant se révèlent d'ordinaire les dispositions naturelles, on voyait poindre en lui je ne sais quoi de sympathique et d'attirant où un regard attentif pouvait lire d'avance la future sainteté de l'homme que nous connaissons. C'est un fait d'expérience courante, en effet que, dans la prime jeunesse, sous l'influence de la nature corrompue les enfants sont généralement portés à la colère, à la jalousie, à satisfaire les désirs de vengeance, et autres tendances analogues.

Chez Géraud enfant, au contraire, une sorte de douceur de caractère, jointe à cette pudique retenue qui confère tant de distinction à l'adolescence, firent le charme déjà même de son comportement en son bas âge.

Par une disposition providentielle de la Grâce Divine, on l'appliqua à l'étude des lettres, étant seulement bien entendu, aux yeux de ses parents, qu'une fois les Heures dites, on l'occupait tout aussitôt aux disciplines séculières, comme il est d'usage pour les jeunes gens de famille noble, à savoir le lancer des chiens de chasse, le tir à l'arc, le lâcher, avec la force voulue, des faucons et éperviers.

Mais, pour éviter que, entièrement pris par ce frivole programme, il ne perdît inutilement le temps propice à l’étude des Lettres, là encore intervint la volonté Divine, et il lui survint une assez longue maladie un état général de fatigue de telle nature qu'elle lui interdit les exercices séculiers d'entraînement, sans toutefois l'empêcher de s'adonner aux études.

Tout son corps se couvrit de menues pustules, mais qui persistèrent si longtemps, qu'on en vint à les juger incurables.

En raison de quoi, son père, avec l'accord de sa mère, décide de l'occuper plus strictement à l'étude des Lettres.

Leur intention était évidente : au cas où leur fils se trouverait peu en mesure de pouvoir remplir des fonctions séculières, que lui fût donnée la formation voulue pour occuper des charges d'église .

Telle fut la circonstance qui décida pour lui non seulement l'étude du chant, mais une première initiation à la grammaire.

Ce lui fut, dans la suite, de grand profit, car la pratique de cette science, en affinant encore sa vivacité naturelle d'intelligence, la rendit, où qu'il voulût l'appliquer, encore plus pénétrante. En lui d'ailleurs brillait une vive finesse d'esprit, qui le mettait à même d'aborder à peu près toutes les études qu'il lui plaisait.

I.5.

9. SON ÉDUCATION : LE PROFANE ET LE SACRÉ

Au terme de son enfance, et maintenant adolescent, une robuste constitution vint à bout des humeurs internes dangereuses pour sa santé.

Il fut bientôt assez leste pour sauter par exemple sans effort par-dessus la croupe d'un cheval. Et à le voir ainsi sans cesse croître en force et en agilité, on se reprenait à le former au métier des armes.

Mais la douceur des écritures déjà s'était insinuée dans l'âme de l'adolescent, et c'est après cette étude qu'il soupirait avec le plus d'inclination.

Aussi, bien qu'il excellât aux exercices militaires, c'est le charme des Lettres qui l'attirait : se laissant aller à sa répugnance, il ne se portait aux premiers qu'à contrecoeur, tandis que les études le trouvaient toujours prêt.

Il se disait dès lors, je pense, que, comme l'affirme l'Écriture, mieux vaut sagesse que force, et que c'est elle qui est la vraie richesse.

Et comme on la découvre aisément quand on l'aime, elle tenait une telle place dans la pensée de notre adolescent que d'elle-même elle se dévoilait à lui pour être le doux entretien de sa méditation intérieure.

Aussi nul obstacle ne parvenait à empêcher Géraud de se livrer à ce goût si vif pour l'étude. Et le résultat, ce fut une connaissance à peu près complète de l'ensemble des Livres Saints, en même temps qu'une supériorité manifeste sur bien des clercs, si savants qu'ils se prétendissent en ce domaine.

I.6.

10. COMTE D'AURILLAC À LA MORT DE SON PÈRE

A la mort de ses parents, toute l'autorité passa naturellement entre ses mains. Or, bien loin, comme il arrive d'ordinaire aux jeunes gens, qui n'éprouvent qu'orgueil à se voir précocement les maîtres, bien loin d'en faire l'important, rien ne vint altérer la modestie à laquelle il s'était auparavant attaché.

Son autorité avait beau croître et s'étendre, son humilité le gardait absolument de toute arrogance.

La protection et administration des biens dont il avait pris possession, nous l'avons vu, par droit héréditaire, l'occupaient nécessairement beaucoup, et, des douceurs spirituelles dont il avait déjà expérimenté l'avant-goût, il lui fallait passer aux amertumes des affaires temporelles.

Quitter cette retraite intérieure lui coûtait beaucoup, et, dès qu'il lui était possible, il y retournait.

D'ailleurs, alors qu'il pouvait paraître se précipiter pour ainsi dire des hauteurs de la contemplation au travers des affaires du siècle, en réalité, à la façon du chamois, qui, s'il saute d'un rocher, sait très bien, pour ne pas se tuer, se recevoir sur les cornes, tout de même, il avait recours à l'Amour Divin ou à la méditation de la Sainte Ecriture, et échappait de la sorte au désastre de la mort spirituelle.

Dès lors, je crois, soufflait sur lui cet esprit de ferveur qui jadis anima David et l'incitait à interdire tout sommeil à ses yeux jusqu'à ce que, débarrassé des tracas de sa journée, il eût en lui ouvert la porte au Seigneur, pour se livrer, dans cette intimité, à l'allégresse de la louange, et pour y goûter quelle est la douceur du Seigneur.

Peut-être aussi, comme il est dit au Livre de Job, peut-être la pierre qu'est Le Christ lui versait-elle ainsi des flots d'huile pour empêcher que des eaux trop abondantes ne vinssent éteindre en lui la lampe de l'Amour .

Vers cette réfection spirituelle se portaient continûment sa pensée et ses désirs, mais, requis par le soin des affaires de sa maison aussi bien que de ses familiers, il lui fallait sacrifier tout loisir et se dépenser au service des autres.

I.7.

11. LE PROTECTEUR DES FAIBLES

Des soucis cuisants, il en trouvait dans les plaintes et réclamations qu'il lui fallait bien, fût-ce malgré lui, accueillir.

Autour de lui, en effet, on se répandait en reproches : Comment, disait-on, comment un homme de son rang pouvait-il supporter de pareils attentats de la part de ces gens de rien qui venaient dévaster ses terres ?

D'autant, ajoutait-on, que, s'étant bien rendu compte qu'il répugnait à toute idée de vengeance, ils n'en ravageaient qu'avec plus d'acharnement tout ce qui lui appartenait.

N'était-il pas préférable, aux yeux de Dieu comme aux yeux des hommes, de recourir au droit de se défendre à main armée, de tirer l'épée contre des ennemis, de mettre un terme à l'insolence de ces furieux ?

Ne valait-il pas mieux écraser leur audace par la force des armes que d'abandonner à leurs iniques agressions des paysans sans défense ?

Géraud écoutait : docile à la voix non de la colère, mais de la raison, il se laissait incliner du côté de la pitié et du secours à porter.

Se confiant entièrement à la providence et à la Miséricorde Divine, il délibérait à part lui comment il serait fidèle, selon le précepte apostolique, à défendre la veuve et 1'orphelin tout en se gardant de toute souillure du siècle

I.8.

12. CONTRE LES AGRESSEURS ET LES PILLARDS

Il se fit donc dès lors un devoir de se porter à la répression de ces agresseurs, prenant toutefois, et surtout, bien soin de se dire tout prêt à la Paix et à la réconciliation avec eux.

S'il prenait ce soin, c'était évidemment, soit pour vaincre le mal par le bien , soit, au cas où ils refuseraient l'accord, afin que, aux yeux de Dieu, sa cause à lui fût considérée comme la plus juste.

Il lui arrivait, par cette Bonté, de les gagner, et de les ramener à la paix. Mais si, par incurable perversité, tels ou tels répondaient par la dérision à ses dispositions pacifiques, alors, donnant libre cours à tout son mécontentement, il brisait les mâchoires de l'homme injuste, afin, selon le mot de Job, de leur arracher d'entre les dents leur proie.

Il le faisait, non certes, comme il arrive trop souvent, emporté par la passion de la vengeance, ni séduit par le désir de la gloire du monde, mais enflammé d'ardent Amour pour de pauvres gens incapables de pourvoir par eux-mêmes à leur défense.

Il agissait de la sorte pour ne pas paraître s'endormir dans une lâche inaction, et négliger ainsi son devoir d'être tout au soin des pauvres. Car il est fait commandement d'arracher le pauvre, de délivrer l'indigent, de la main des méchants. C'est donc en toute justice qu'il ne voulait pas laisser le dernier mot au malfaiteur.

Parfois cependant, quand il se voyait contraint d'en venir à engager le combat, il lui arriva de donner l'ordre formel de tourner en arrière la pointe des épées, pour attaquer garde en avant. C'eût été-là, pour l'ennemi, chose simplement ridicule, si Géraud, puisant en Dieu sa force, n'avait été très vite la terreur insurmontable de ses adversaires.

Eux aussi, ses hommes n'auraient vu là qu'une parfaite absurdité, s'ils n'avaient eu par expérience la preuve que Géraud, bien que mis en état d'infériorité, au moment critique de la bataille, par ses sentiments religieux, l'emportait finalement toujours.

Alors, le voyant victorieux malgré cette étrange façon de se battre en y faisant intervenir la religion, la raillerie faisait place à l'admiration.

Et même, assurés de vaincre, ils exécutaient sans hésitation tous ses ordres. Car on n'entendit jamais dire que soit lui soit les soldats qui lui donnèrent en guerre leurs loyaux services aient vu démentir par l'événement leur confiance en la victoire. Une chose non moins certaine, c'est qu'il ne porta jamais une blessure à qui que ce soit, pas plus qu'il n'en reçut lui-même de personne.

C'est que Le Christ, comme il est écrit, était à son côté, pénétrant les intentions de son âme et voyant bien que c'était par Amour pour Lui qu'il se montrait si bon, au point même de ne pas vouloir s'en prendre à la vie de ses ennemis, mais seulement rabattre leur insolence.

En tout cas, qu'on n'aille pas se laisser troubler par le fait qu'un homme juste comme lui ait eu parfois recours à la pratique de la guerre, comme paraissant incompatible avec la religion. Quiconque voudra bien peser la question sans fausser la balance, se rendra compte que, sous ce rapport-là, la gloire de Géraud échappe à toute tentative de dénigrement.

Plus d'un d'ailleurs parmi les Patriarches eux-mêmes, et des plus irréprochables, des plus longanimes, eurent énergiquement recours aux armes contre leurs adversaires : Abraham par exemple, qui, pour délivrer son neveu, mit en déroute une masse considérable d'ennemis ; quant au roi David, c'est même contre son propre fils qu'il lança ses troupes.

13. LE SOUCI DE JUSTICE

Si Géraud entrait en campagne, ce n'était pas pour s'emparer du bien d'autrui, mais pour protéger le sien, ou, mieux encore, pour protéger les droits de ses sujets.

Il n'en était pas à ignorer ce buffle de l'Écriture symbole de tous les dépositaires de 1'autorité qu'on attache avec des courroies pour lui faire retourner et briser les glèbes de la vallée, savoir les oppresseurs des petites gens.

L'Apôtre l'a dit : Ce n'est pas sans raison que le magistrat porte glaive : c'est qu'il a la charge de défendre les droits de Dieu.

Il est donc parfaitement normal que, laïc, il ait porté le glaive, à son poste, dans la bataille, pour protéger une population désarmée, comme il eût fait, pour parler comme l'Écriture , d'un troupeau inoffensif, contre les loups du soir.

Et afin aussi, dans le cas de gens qu'une censure de l'église ne suffit pas à contraindre, afin de les réduire soit par la loi de la guerre soit par autorité de justice.

Pas la moindre ombre, par conséquent, sur sa gloire, du fait qu'il se soit battu pour la cause de Dieu, puisqu'il est écrit que pour Dieu contre les insensés combat l'univers entier. Il est bien davantage à sa louange qu'il ait toujours vaincu au grand jour, sans tromper personne, sans jamais user de pièges, et que malgré cela il ait eu sur lui la protection Divine au point, nous l'avons dit plus haut, de n'avoir jamais trempé son glaive de sang humain.

Ainsi donc, si comme lui on prend les armes contre l'ennemi, que, comme lui aussi, on cherche non son intérêt propre mais le bien commun.

Car on en voit qui, pour la gloire ou pour le profit, s'exposent hardiment à tous les périls, et qui, pour l'amour de ce monde, acceptent volontiers d'en affronter les maux : ce sont, il est vrai, ses peines qu'ils trouvent, tandis que, si je puis ainsi parler, ils perdent ses joies qu'ils cherchaient.

Mais, ces gens-là, c'est une autre affaire. Le comportement de Géraud, lui, est transparent, parce qu'il a sa source dans la simplicité du coeur.

I.9.

14. TENTATION CONTRE SA CHASTETÉ

L'antique séducteur du genre humain observait depuis longtemps la conduite de notre adolescent : remarquant chez lui je ne sais quoi de tout divin, il brûlait de jalousie, et en conséquence s'ingéniait de son mieux pour le prendre au piège des diverses tentations qu'il pouvait dresser contre lui.

Mais le jeune homme savait déjà recourir à la Prière et se remettre entre les mains de la Divine Bonté, pour repousser, par la Grâce du Christ, les ruses du démon.

Dans sa haine insatiable, cependant, l'ennemi, s'étant par expérience rendu compte que ce n'était pas par la volupté charnelle qu'il parviendrait à le dominer, préféra se servir de malhonnêtes gens pour soulever contre lui, comme nous venons de le dire, les désordres de la guerre : ces gens-là pourraient se porter à l'attaque de cette citadelle de sainteté qui s'élevait dans son cœur et qu'il lui était, à lui, impossible d'aborder directement.

Mais pour en revenir cependant à son jeune âge, sa chasteté, que, dès son enfance, il aima chèrement, provoquait chez ce maître en fourberie le plus amer dépit.

Car c'était pour lui chose inouïe et sans exemple qu'un jeune garçon ait pu sans peine échapper au naufrage de sa vertu.

I1 se mit donc, sans trêve, à lui suggérer des pensées sensuelles, le plus efficace, peut-être le tout premier des moyens dont il dispose pour suborner le genre humain.

Repoussé complètement, l'ennemi se désespérait : il ne pouvait même pas les faire pénétrer jusqu'aux portes de son cœur. I1 revint donc à sa vieille ruse, et eut recours au procédé de séduction dont il usa ordinairement, soit pour Adam, soit pour sa postérité, je veux dire : une femme.

Il le mit, raconte-t-on, en présence d'une jeune fille. Imprudent il arrêta son attention sur l'éclat de ce teint si frais, et se laissa bientôt toucher par le plaisir qu'il y prit.

Ah ! Si, plus sage, il avait su comprendre ce que recouvrait cette apparence ! Car qu'est-ce qui fait la beauté corporelle, sinon simplement ces brillantes couleurs ?

Il détourne sa vue, mais 1'image que ses yeux ont transmise à son cœur y reste gravée. Le voilà à se tourmenter, à se laisser fasciner et aveugler par la flamme qui le brûle. Finalement, il cède, et envoie dire à la mère de la jeune fille qu'il viendra à la nuit.

Se mettant à son tour en chemin, il se précipitait, dans sa folie, vers la perte de son âme. Toutefois, à la manière des captifs qui dans leurs fers, se rappellent en gémissant leur liberté première Géraud poussait des soupirs, et repassait dans sa mémoire les douceurs familières de l'Amour Divin. Et, bien qu'à contrecoeur, il priait Dieu de ne pas permettre qu'il succombât irrémédiablement à cette tentation.

On arrive à l'endroit convenu, et la jeune fille entre dans la chambre. Comme il faisait froid, elle se tint tournée vers le feu qu'on avait allumé.

Sur Géraud cependant, s'était porté le regard de la Grâce Divine. Cette jeune fille lui parut alors tellement laide qu'il ne pouvait croire que ce fût la même qu'il avait vue auparavant : il lui fallut pour cela que le père le lui affirmât.

Il comprit qu'il y avait là une intervention Divine, pour que la même jeune personne n'eût plus ainsi, pour lui, même beauté : il se tourne vers la Miséricorde du Christ, soupire amèrement, et, tout troublé par cette aventure, monte à cheval. Sans retard, et rendant grâces à Dieu, il presse tout aussitôt son départ.

15. SA PÉNITENCE

Il se trouve qu'il faisait un froid absolument glacial. Il s'y laissa tout exprès griller toute la nuit, certainement pour se punir, par l'âpreté de cette température, d'avoir en quelque mesure cédé aux tièdes attraits de la volupté.

Mais, par ailleurs, il fait dire au père de la jeune fille de la marier tout de suite. Quant à elle, il l'affranchit, et lui fit don d'une petite propriété, avec droit de transmission par héritage.

S'il fit ainsi presser le mariage, c'est peut-être parce qu'il redouta sa fragilité C'est pourquoi, au titre d'œuvre pieuse, il lui accorda aussi sa liberté, pour que lui fût promptement trouvé un bon parti.

Mais comment se peut-il que toi, qui devais un jour être cèdre du Paradis, tu aies connu pareille tempête ?

Sans nul doute, pour t'apprendre ce que tu étais, livré à toi-même. Car ton illustre Patron, je veux dire le Prince des Apôtres, à qui dans la suite tu te donnas totalement, toi et tes biens, lui non plus ne se serait pas suffisamment connu sans l'assaut inopiné de la tentation.

Maintenant que tu sais par expérience ce qu'est l'homme par ses seules forces, et ce qu'il est par la Grâce de Dieu, ne refuse pas de compatir à la fragilité de ceux qui implorent ton Pardon.

Par ailleurs, sachons, nous, que la tentation n'est pas une chose inconnue des Saints. A leur naissance, en effet, ils portent en eux les mauvais penchants de la nature corrompue, pour qu'ils trouvent sur leur route le combat, que le combat soit victorieux, et que leur victoire soit couronnée.

Ce qui importe, c'est de voir si on consentira à la délectation du péché pour y succomber, ou bien si on la repoussera victorieusement, pour donner dans son cœur la première place à la délectation de la vertu, et ainsi chasser loin de soi le poison de la délectation coupable qu'on aura peut-être un instant absorbé par le contrepoison d'une ardente imploration.

Pour revenir à notre adolescent, mieux instruit par l'expérience du danger, et comme quelqu'un qui vient de glisser et de trébucher, il mettait maintenant plus de circonspection dans son comportement, évitant soigneusement que de ses yeux ne vînt à son cœur rien qui fût de nature à apporter en même temps, par cette fenêtre, la mort à son âme.

I.10.

16. SA PUNITION

Toutefois, s'il est bon, le Seigneur est juste aussi : la douceur de sa bonté avait préservé son serviteur Géraud de cette souillure, la sévérité de sa justice ne négligea pas de le punir pour son mauvais désir.

Au bout de quelques jours à peine, le coupable se vit affliger d'un glaucome qui, pour toute une année et même plus, le rendit aveugle, afin que, de ses yeux, dont il avait mésusé il n'eût plus, pour un temps, même l'usage normal.

Cependant, ni sur les paupières ni sur les prunelles des yeux on ne distinguait la moindre marque du mal.

Son entourage ordinaire était au courant de cette cécité, des regards pénétrants prenaient grand soin de la laisser ignorer aux gens de l'extérieur.

Pour lui il s'humiliait sous la main de Dieu qui le frappait, et, comme s'il fût tout disposé à accepter ces coups, il n'en parlait jamais.

Il ne refusait pas pour autant de se soigner, mais ne s'en mettait pas tellement en peine : il attendait simplement avec patience le moment et la manière dont son Maître, sa décision de le frapper une fois parvenue à ses fins, jugerait bon de mettre fin aux coups.

Car il savait bien que pour un fils le fouet est d'usage. Quant au juge qui lit dans les cœurs, il nettoie dès cette vie, chez ses élus même les plus petites taches, pour qu'il n'y reste rien qui plus tard puisse offenser ses regards.

Et voilà pourquoi, à Géraud aussi il infligea ce châtiment : afin de purifier pour le passé sa jeune âme et, pour l'avenir, de la garder plus pure.

Quand donc Dieu eut réalisé sur lui son dessein, il écarta le mal, et rendit à ses yeux la lumière.

I.13.

l 9. SA SOBRIÉTÉ

I1 était soucieux de tempérance, et se surveillait, lui et aussi les siens, contre l'ivresse. A sa table, il n'admettait l'excès ni du manger ni du boire.

Il ne forçait jamais ses invités à boire, et ne buvait lui-même pas plus souvent que le reste des convives. Il savait si bien, pour les repas, régler les choses, qu'on ne se levait de table ni ivre ni trop triste.

Ses hôtes, à qui il consacrait tous ses soins, il lui arrivait de les mener se restaurer dès le matin : lui, jamais avant la troisième heure du jour, et, les jours de jeûne, avant la neuvième.

Il était fidèle à ce précepte de l'Écriture : Heureux le prince qui ne mange qu'à l'heure voulue, pour soutenir ses forces et non pas pour se livrer à l'intempérance.

Qu’est-il en effet pour lui de plus recommandable à éviter que l'ivrognerie, puisque, outre qu'elle est la mort de l'âme, et que, au témoignage de l'Apôtre, elle interdit, au même titre que l'homicide, l'entrée au royaume de Dieu, il est reconnu que pour le corps aussi elle est la source de bien des maux.

Les forces déclinent, les tremblements surviennent, les organes des sens se débilitent : bref, on se voit affliger d'une vieillesse prématurée.

La vue, la parole, les traits du visage, tout se dégrade, et peu à peu dépérit aussi notre belle parure, la piété.

Aussi bien est-il impossible de s'emplir à la fois de vin et de L'Esprit-Saint, et nul moyen pour Jérusalem de se préserver des atteintes du feu de la fornication si elle refuse de s'employer à faire lever le siège à Nabuzardan, je veux dire au chef cuisinier.

I.14.

20. L'ACCUEIL AUX PAUVRES

On prévoyait toujours devant lui des bancs pour les pauvres ; parfois même, c'était des tables qu'on y préparait pour eux : il tenait à voir par lui-même ce qu'on leur donnait, et en quelle quantité, pour les sustenter.

Et pas de limite fixée d'avance au nombre de gens à accueillir : s'il s'en présentait plus que prévu, pourvu seulement qu'on vît bien qu'ils étaient de la condition requise pour être admis, on introduisait tout le monde auprès de lui.

A personne d'ailleurs on n'eût fermé la porte sans lui avoir fait l'aumône. Ses serviteurs veillaient à ce qu'il eût toujours sous la main de quoi donner à manger, pour pouvoir le donner lui-même.

On y mettait aussi de quoi boire : il regardait, goûtait, puis il le leur passait, pour que fussent les premiers à boire ceux avec qui il partageait aussi son pain.

Pleinement convaincu qu'en leur personne c'est Le Christ qu'il recevait, c'est à Lui aussi qu'en eux, avec grande révérence, il rendait honneur, et en eux toujours, il accueillait en sa demeure Celui, dit le Prophète , qui console en rendant ses forces à qui est las.

Comme ils compromettent déplorablement la récompense qui les attendait, ceux qui, tout en faisant remettre une aumône à la porte, ne font pas entrer les pauvres auprès d'eux ! Car Le Christ a dit : J'étais étranger, et vous m'avez accueilli ; or, en agissant de la sorte, ils semblent lui interdire leur demeure.

Puis, pour s'élever, comme l'a demandé Le Seigneur, plus haut que la justice des Pharisiens, il faisait mettre à part la neuvième partie du revenu de ses terres.

C'est sur ces réserves qu'en certaines de ses maisons on nourrissait les pauvres, et c'est par ce moyen aussi qu'on leur fournissait vêtements et chaussures.

Quant aux pauvres qu'il rencontrait en chemin, il prenait toujours de l'argent en prévision du cas, et, soit de sa main, soit par un serviteur de confiance, il le leur faisait distribuer sur place, avec la discrétion voulue.

Lors de distributions d'argent faites au nom de quelque personnage, il lui arriva, mêlé aux nécessiteux, d'en recevoir comme eux, tout heureux et au comble de ses vœux de se voir ainsi assimilé aux pauvres.

Toutefois il en faisait aussitôt don, cependant que par reconnaissance il offrait une bonne partie de son office Divin à l'intention de ceux dont il avait reçu ce même cadeau.

I.15.

21. GÉRAUD À TABLE

Pendant le repas, on lui témoignait la plus grande déférence. Ce n'est ni le bavardage ni la bouffonnerie qui régnaient : la conversation portait soit sur un sujet imposé par les circonstances, soit sur tout autre qui respectât seulement les bienséances, soit mieux encore sur la Parole de Dieu.

En tout temps en effet, il se mettait à table une fois seulement par jour, sauf cependant durant l'été, où il soupait avec quelques restes ou quelques fruits.

A sa table on commençait par une assez longue lecture ; mais, pour s'accommoder aux séculiers, il faisait interrompre un instant, et demandait aux clercs d'expliquer ce dont il y était question à ceux, du moins, qu'il savait capables de répondre.

Il faut savoir en effet qu'il avait chez lui des clercs de famille noble, de qui il réclamait l'honnêteté des mœurs non moins que les connaissances intellectuelles.

Envers les jeunes gens en effet, il se montrait plutôt réservé, disant à combien de périls est exposé l'âge où l'adolescent cesse de ressembler, de la voix ou du visage, à sa mère, pour prendre peu à peu la voix ou la figure du père, et que, si on savait à cet âge se préserver de ces périls, on pouvait facilement dans la suite vaincre les sollicitations de la chair.

Il interrogeait, disions-nous, au sujet de la lecture : ceux à qui il s'adressait le priaient de prendre plutôt lui-même la parole.

Il s'y prêtait finalement, et leur faisait part, à sa manière habituelle, de ce que lui inspirait, non pas une érudition solennelle, mais une science habillée de simplicité.

Naturellement, comme, en cette conjoncture, il ne manquait pas d'habitués de la plaisanterie et de la facétie, il les modérait, non pas en manifestant un mécontentement qui les eût blessés, mais en répondant sur le même ton plaisant. Ce qu'il n'acceptait jamais, cependant, c'était qu'on vînt devant lui étaler sa vanité.

Il savait que tous les chrétiens sans exception sont invités à manger leur pain en observant chacun de son côté le silence.

Sur la fin du repas, toutefois, le lecteur reprenait toujours la lecture. De la sorte, Géraud passait la plus grande partie de son repas soit à parler de Dieu soit à écouter Dieu lui parler dans la lecture qu'on lui faisait.

Ils devraient bien retenir l'exemple qu'il leur donne, ceux qui sourds aux reproches du Prophète, font jouer de la cithare et du luth à leurs festins.

Cette musique les enchante, le son des instruments les transporte. Ils ne songent certes pas à en faire une louange pour Dieu, puisqu'à travers ce vacarme ils n'entendent même pas les cris du pauvre.

Eh bien ! Véritable est la parole qu'a dite Le Christ, la Vérité même, à savoir que la bouche parle de l'abondance du cœur.

Ces gens qui ne s'entretiennent que des choses du siècle, et rarement, ou peu, de Dieu, que peuvent-ils aimer en dehors de là ? Et qu'est-ce qui peut bien abonder de leur cœur ?

22. GÉRAUD ET LE JEÛNE

Que ne songent-ils, comme Géraud, à la fin qui les attend ; que ne suivent-ils le précepte de 1'Apôtre, de tout faire, qu'on mange ou qu'on boive, pour la Gloire de Dieu.

Trois jours par semaine, et tous les jours par temps de Jeune, il s'abstenait de viande. Si cependant quelque fête annuellement célébrée tombait en un de ces jours, il levait l'abstinence, mais prenait soin de la reprendre au premier jour libre, en compensation de celle qu'il avait passée, alors que pourtant, en raison de cette fête, il avait déjà invité un pauvre en plus de ceux qu'on accueillait à l'accoutumée.

Si le jeûne prévu tombait un dimanche, il ne s'en dispensait nullement, et ne profitait pas de cette coïncidence pour l'omettre : il s'acquittait en toute rigueur de ce jeûne le samedi qui précédait.

Que s'il semblait choquant de voir chez un saint cette levée de l'abstinence, celui qui s'en affecterait doit se souvenir que tout est pur aux purs, savoir à ceux qui prennent leur nourriture sans le faire par sensualité, sans regarder à la nature de l'aliment qu'il prend, mais plutôt au besoin qu'il en a, ou au contraire à la convoitise avec laquelle il le prend et cela c'est la conscience qui, intérieurement, en juge.

Cette façon de voir, le prophète Elie, et Ésaü, l'appuient de leur exemple. Il était donc permis à un laïc, un si saint laïc surtout, d'user de ces permissions.

Mais ce n'est pas permis à ceux à qui leur profession religieuse l'interdit. Si l'arbre du paradis terrestre apporta la mort, ce n'est pas qu'il fût pernicieux de soi, mais qu'il avait fait l'objet d'une interdiction de principe...

I.17.

24. GÉRAUD RENDANT LA JUSTICE

Les pauvres, et les victimes d'une injustice, avaient toujours libre entrée auprès de lui. Et nul besoin, pour recommander leur cause à son attention, de lui apporter un présent. Car plus il les voyait dans une étroite indigence, plus c'était là pour eux le meilleur moyen de plaider à ses yeux leur infortune.

Le renom de cette bonté se répandait non seulement aux alentours, mais même en pays éloignés. Et comme tout le monde savait que sa bienfaisance s'étendait à tout le monde, beaucoup venaient lui demander la solution de leurs difficultés.

I1 ne dédaignait pas de s'occuper ainsi, soit directement, soit par ses gens, des affaires des pauvres, et, dans toute la mesure du possible, de leur accorder son appui.

Souvent, en effet, apprenant que des gens se faisaient une guerre sans merci, le jour où leur affaire devait passer devant lui, il faisait célébrer des messes à leur intention.

Et s'il ne voyait pas de moyen humain de porter remède, il implorait en ces cas-là le secours Divin.

Une chose qu'il ne pouvait souffrir, c'était qu'un seigneur, sur le premier caprice de colère venu, pût s'emparer des terres d'un de ses hommes : il faisait alors évoquer l'affaire, et, partie par persuasion, partie d'autorité, il calmait la colère de cet homme déchaîné.

Un trait suffirait à montrer que son souci de justice se faisait sans cesse plus ferme et plus exigeant : dès qu'un pauvre se trouvait dans la dépendance de plus puissant que lui, il avait grand soin, tout en soutenant le plus faible, de fléchir le plus fort sans léser ses droits.

Bref, dans sa soif si sincère de justice, il ne souffrait de la voir offenser ni chez ses sujets ni chez des étrangers.

I.20.

27. COMPLICE DE LEUR ÉVASION

De même encore, on avait emprisonné deux hommes qui s'étaient rendus coupables à son égard d'un méfait considérable. On les lui présenta.

Les accusateurs le pressaient de les condamner sur-le-champ à être pendus. Lui se dérobait, ne voulant pas remettre ouvertement ces gens en liberté.

Car, pour ces gestes de bonté, il s'arrangeait toujours pour que sa bonté ne parût pas passer la mesure.

Il se tourna vers les accusateurs, et leur dit : " Si, comme vous l'affirmez, ils doivent mourir, commençons, selon l'usage, par les faire restaurer. "

Il leur fait alors apporter pour manger et pour boire, et, pour leur permettre de prendre ce repas, leur fait ôter les chaînes. Une fois restaurés, il leur donne son couteau à lui, et leur dit : " Allez chercher vous-mêmes l'osier qu'il nous faut pour vous pendre, et apportez-le. "

Pas très loin de là, il y avait un bois où le taillis poussait très épais. Ils y pénètrent, et, faisant semblant de chercher leur arbrisseau, ils s'enfoncent toujours plus avant, bientôt disparaissent, et de la sorte échappent à la mort qui les attendait.

Ceux qui étaient présents comprirent très bien qu'il était de connivence et n'osèrent pas se mettre à leur recherche à travers ces fourrés.

Pour autant qu'on puisse en juger par l'analogie des conditions sociales, ceux des malfaiteurs qui s'étaient endurcis dans le crime, il les châtiait de diverses peines, ou bien il les faisait marquer au fer rouge. Quant à ceux qui avaient perpétré quelque méfait non par malice invétérée mais pour une raison ou pour une autre, il les renvoyait. Ce qu'on peut affirmer, c'est qu'on n'a jamais entendu dire qu'on ait, lui présent, condamné qui que soit à mort, ou à la mutilation.

I.21.

28. Fioretti I : LA PAYSANNE AU LABOUR

Comme on le voit, de l'ensemble de sa vie, nous ne retenons le détail que d'un petit nombre de traits, qui peuvent suffire pour bien mettre en lumière tels actes de bonté, que nous connaissons de source certaine.

C'est pour la même raison que nous voulons ajouter ici quelques anecdotes, menues par elles-mêmes, mais qui prouvent bien que, chez lui, profond était ce souci de bonté.

Celle-ci par exemple.

Un jour qu'il faisait route par la voie publique, une brave campagnarde, dans un petit champ qui bordait la chaussée, labourait. Il lui demanda pourquoi elle, femme, se mêlait ainsi d'un travail d'homme.

Son mari, répond-elle, est malade depuis déjà quelque temps, la saison des semailles va passer, or elle est toute seule, elle n'a personne pour l'aider.

Ému de pitié devant cette détresse, il lui fait compter autant de pièces d'argent qu'il semblait rester de jours où il fût encore possible de semer, pour lui permettre de louer pour tout ce temps un homme qui lui cultivera sa terre, et, quant à elle, de laisser là ce travail d'homme.

Farder la vérité, c'est, dit saint Augustin, offenser la nature, et Dieu son auteur se détourne de tout ce qui y est contraire.

Ce que je viens de raconter est peu de chose, mais ce sentiment d'homme juste, et pleinement accordé avec les lois de la nature, y met de la grandeur.

I.26.

33. SAUF-CONDUIT POUR UN HOMME QUI VIENT DE LE VOLER

Un exemple, pour prouver ce que nous disons là.

Une fois, un voleur avait pénétré de nuit dans sa tente. A l'accoutumée, un cierge était allumé devant son lit.

Lui, il se trouva qu'il ne dormait pas. Car il s'était fait une habitude, sur sa couche, de se rassasier à l'Amour du Christ et à sa douceur, en s'appliquant à la Prière.

Le voleur, cependant, promenait partout des yeux attentifs, tout occupé de découvrir quelque objet qu'il pourrait emporter.

Il aperçoit par hasard un petit coussin, muni d'une taie de soie. Il avance la main, et le tirait à lui, quand le seigneur : " Qui es-tu ? ", lui dit-il.

Pris de peur, et tout interdit, le voleur ne savait comment se tirer de là.

Le seigneur lui dit : " Fais ce que tu as à faire, et sors avec précaution, si tu ne veux pas qu'on te surprenne. " Et c'est ainsi qu'il décida le voleur à sortir en toute liberté en emportant le produit de son larcin.

Qui voyez-vous autre que Géraud pour en avoir agi de la sorte ? Moi, en tout cas, ce geste me paraît plus digne d'admiration que s'il avait métamorphosé le voleur en bloc de glace raide comme pierre.

I.39.

46. CLÉMENCE ENVERS LES AGRESSEURS

I1 était, pour ses ennemis, à ce point invincible qu'ils voyaient tout au contraire retomber sur eux les mauvais coups qu'ils tentaient de monter contre lui. On en a la preuve dans plusieurs des faits racontés ci-dessus, en voici maintenant un autre exemple.

Adelhelm, frère du comte Adhémar, ne se contenta pas des torts qu'il avait causés audit seigneur Géraud lors de son irruption dans le château d'Aurillac, torts, nous l'avons vu, qu'il lui avait si volontiers pardonnés : sa perversité restait déchaînée, et sans trêve l'excitait à aller s'en prendre à notre saint.

Il réunit donc une troupe de satellites, et tenta de pénétrer dans le château alors que le seigneur Géraud se trouvait assister à la grand-messe.

Les hommes qui étaient dehors, l'ayant vu de loin se jeter en avant au pas de course, fermèrent immédiatement la porte.

A l'intérieur de la place, il y eut grand vacarme de cris, et les soldats qui assistaient à la messe avec leur seigneur, voulaient aller voir ce qui se passait. Lui les arrêta d'un mot, et leur interdit de sortir avant la fin de la fonction Divine.

Pendant ce temps, les satellites d'Adelhelm parcouraient les alentours du château, mais ils ne trouvèrent à prendre que sept chevaux. Ils les emmenèrent.

Et voyant que leur coup de main avait échoué, ils se hâtèrent, tout penauds, de battre en retraite. On raconte aussi que l'homme de Dieu, après avoir défendu à ses soldats de bouger, prenant un psautier, fut d'un bond à la tribune, et là se mit à chanter je ne sais plus quel passage des psaumes...

Quant à ce tyran qui était venu affliger le cœur du juste, il ne lui fut pas donné de rentrer chez lui dans l'allégresse. Je vais dire une chose étrange, elle serait même presque incroyable, si elle n'était rapportée par un témoin tout à fait digne de foi : c'est que, de leurs chevaux à eux, il en périt, en un très bref laps de temps, une soixantaine.

Adelhelm lui-même mourut quinze jours après, et dans des circonstances effrayantes : un violent coup de vent, à l'endroit où il gisait, balaya soudain tout.

Le témoin, présent devant nous, est Malbert, le moine bien connu qui à Limoges prêche si souvent au peuple la Parole de Dieu.

On lui avait confié la garde, à Turenne, du trésor de Saint-Martial de Limoges, qu'on avait emporté en ce lieu par crainte de la gent païenne.

Les voleurs des chevaux, eux, à la vue de ces fâcheux événements, rendirent ses bêtes à l'homme de Dieu.

I.40.

47. COMMENT GÉRAUD CAPTURE ET APPRIVOISE LE « LOUP » ARNAL

Malgré tout, il se voyait bien parfois obligé d'user des moyens que sa puissance mettait à sa disposition, et de faire courber la tête aux mauvais sujets par la force des armes.

Il en fut ainsi pour certain triste sire, du nom d'Arnal. Cet homme avait en sa possession un petit bourg fortifié, qu'on appelle Saint-Cernin : de ce repaire, tel un loup du soir, il se jetait sur les domaines de Géraud.

Celui-ci, au contraire, homme de paix s'adressant à quelqu'un qui haïssait la paix, allait jusqu'à lui faire des cadeaux, à lui faire don d'armes de guerre, pour essayer d'adoucir par les bons procédés cette nature sauvage.

L'homme, dans sa grossièreté bornée, attribuait tout cela non pas à de la bonté, mais à de la lâcheté, et s'acharnait toujours plus effrontément sur lesdits domaines.

Géraud, comprenant enfin que cette sottise de dément ne se laisserait brider que par les coups, rassemble un corps de troupe et se porte contre la petite forteresse.

Un succès inespéré lui permit d'arracher cette bête féroce de son gîte sans la moindre perte de vie humaine.

Il était là, devant lui, tout honteux. Au lieu de reproches humiliants, il fit appel, tout autant qu'il le fallut, à sa raison.

L'autre, tout tremblant, répondit en termes très humbles et suppliants.

Alors l'homme de Dieu lui dit : " Eh bien ! Tu as compris, maintenant, que tu n'es pas assez fort pour tenir contre moi ? Alors, calme tes emportements, cesse désormais de donner cours à tes mauvais instincts, sinon tout te retombera, et encore plus rudement, sur la tête.

Toi, personnellement, ajouta-t-il, je vais te rendre la liberté, sans souci ni d'otage, ni de serment quelconque de ta part. Je ne veux même pas t'enlever quoi que ce soit de tes biens, en compensation des pillages à quoi tu as pris l'habitude de te livrer. "

Et c'est ainsi qu'après l'avoir dompté par la force, il relâcha cet homme, qui par la suite se garda soigneusement d'oser s'en prendre aux domaines de Géraud…

Pour voir la suite, livre 2 :
> > > Saint Géraud d'Aurillac

Date de dernière mise à jour : 13/10/2024

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