Sainte Jeanne Jugan, Fondatrice des Petites Sœurs des Pauvres (1792-1879). Fête le 29 Août.

Jeudi 29 Août 2024 : Fête de Sainte Jeanne Jugan (Sœur Marie de la Croix), vierge et Fondatrice des Petites Sœurs des Pauvres (1792-1879).
Dans le diocèse de Rennes, Dol et Saint-Malo elle est fêtée le 30 Août.

Jeanne jugan

Bienheureuse Jeanne Jugan
(1792-1879)
Fondatrice des Petites Sœurs des Pauvres

Née en 1792 à Cancale, dans une famille de marins pauvres, elle connut une jeunesse pieuse. En 1798, son père disparut en mer. Jeanne n'avait que 6 ans.

A 18 ans, n'ayant qu'une idée vague de ce que Dieu pourrait lui demander, elle refusa une demande en mariage. "Le bon Dieu me veut pour quelque chose, dit-elle, mais je ne sais pas quoi."

En 1817, elle se mit au service des malades pauvres dans l'hôpital du Rosais à Saint-Servan. Affaiblie par la rude besogne, elle quitta cet emploi.
Vers 1839, elle commença à accueillir dans sa maison des femmes âgées, pauvres, délaissées et malades, ce qui la conduira à la fondation de la Congrégation des Petites Sœurs des Pauvres qui se répandit bientôt dans le monde entier.
Elle devint Sœur Marie de la Croix. Elle fit inclure dans leur règle le vœu d'hospitalité.

A sa mort, deux mille quatre cents petites Sœurs des pauvres sont présentes dans dix pays. Aujourd'hui l'on compte par le monde 6 000 Petites Sœurs, 307 maisons et près de 52 000 vieillards.
Elle fut Béatifiée par Saint Jean Paul II le 3 Octobre 1982 et Canonisée par le Pape Benoît XVI le 11 Octobre 2009.

Estatua juana juganStatue de Jeanne Jugan. Casa de las Hermanitas de los Pobres en Valladolid (Espagne).
Photo de Rodelar

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Ste Jeanne Jugan
Vierge et Fondatrice des :
« Petites Sœurs des Pauvres »
(1792-1879)

Jeanne Jugan naît à Cancale, en Ille-et-Vilaine (France), au hameau des Petites Croix, le 25 Octobre 1792, et Baptisée le jour même à l'église Saint-Méen en pleine tourmente révolutionnaire.
Son père, marin comme la plupart des hommes de son pays, est à la grande pêche à Terre-Neuve.
Quatre ans plus tard, il disparaît en mer. Sa mère reste seule pour élever les 4 enfants (4 sont décédés en bas âge).

Pour aider la famille, Jeanne à l’âge de 16 ans part comme aide-cuisinière dans un manoir proche de Cancale.
Elle y reste jusqu'à l'âge de 25 ans, puis quitte la maison familiale pour Saint-Servan où elle travaille comme aide infirmière à l'hôpital du Rosais.
A la demande en mariage d'un jeune marin, elle avait répondu : « Dieu me veut pour lui, il me garde pour une œuvre qui n'est pas encore fondée ».
Jeanne ne veut que servir Dieu et les autres, les pauvres, surtout les plus faibles, les plus démunis, fidèle à l'idéal de configuration à Jésus par Marie qu'enseigne Saint Jean Eudes aux membres du Tiers-Ordre de la Mère Admirable, association qu'elle rejoint vers l'âge de 25 ans.

Un soir d'hiver de 1839, elle ouvre son logis et son cœur à une vieille femme aveugle, à demi paralysée, réduite brusquement à la solitude.
Jeanne lui donne son lit… Ce geste l'engage à tout jamais. Une seconde vieille femme suivra, puis une troisième… En 1843, elles seront quarante avec, autour de Jeanne, trois jeunes compagnes.
Ces dernières l'ont choisie comme supérieure de leur petite association qui s'achemine vers une vraie Vie Religieuse.

Mais bientôt Jeanne Jugan sera destituée de cette charge, réduite à la simple activité de quêteuse, rude tâche dont elle est l'initiatrice, encouragée dans cette démarche de charité et de partage par les Frères de Saint Jean-de-Dieu.
A l'injustice, Jeanne ne répond que par le silence, la douceur, l'abandon.
Sa Foi et son Amour découvrent dans cette mesure le chemin de Dieu pour elle et pour sa famille Religieuse.

Au fil des années, l'ombre s'étend de plus en plus sur Jeanne Jugan. Les débuts de son œuvre sont falsifiés.
Elle vit 27 ans de mise à l'écart (1852 à 1879), quatre à la maison de Rennes, et les vingt-trois dernières années de sa longue vie à La Tour St Joseph, maison mère de la Congrégation des « Petites Sœurs des Pauvres » depuis 1856.

À sa mort, le 29 Août 1879, elle a 86 ans, peu de Petites Sœurs savent qu'elle est la Fondatrice mais son influence près des jeunes postulantes et novices, dont elle a partagé la vie ces vingt-sept années durant, aura été décisive.
En ce contact prolongé, le charisme initial a passé, l'esprit des origines s'est transmis.

Ses funérailles auront lieu dans la plus grande simplicité. Jusqu'à son exhumation, qui eut lieu le 5 Mars 1936, le corps de Jeanne Jugan reposait dans le paisible cimetière de la Tour Saint-Joseph.

À l'époque où Jeanne Jugan passa de vie à trépas, l'Institut qu'elle avait fondé comprenait, après seulement quarante années d'existence, 2.488 Religieuses, 177 maisons dispersées à travers le monde, et il hospitalisait environ 20.500 vieillards.
Aujourd'hui l'on compte par le monde 6.000 Petites Sœurs, 307 maisons et près de 52.000 vieillards.

Jeanne Jugan a été Béatifiée le 03 Octobre 1982, par Saint Jean-Paul II (Karol Józef Wojty?a, 1978-2005) et proclamée Sainte le 11 Octobre 2009, à Rome, par le Pape Benoît XVI.
Dans le diocèse de Rennes, Dol et Saint-Malo elle est fêtée le 30 août.

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Pour un grand approfondissement biographique :
>>> Jeanne Jugan

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http://nominis.cef.fr/contenus/saint/1756/Sainte-Jeanne-Jugan.html

Sainte Jeanne Jugan

Fondatrice des Petites Sœurs des Pauvres (? 1879)

"Dieu me veut pour lui", répondit-elle à un jeune homme qui la demandait en mariage. Elle avait alors dix-huit ans et était employée de maison depuis deux années.

Elle avait perdu son père, disparu en mer à Cancale alors qu'elle n'avait que quatre ans.

Ayant fait, dès son enfance, l'expérience de la pauvreté, elle fut confrontée à une misère plus grande encore lorsqu'elle vint travailler à Saint Servan.

Durant l'hiver de 1839, elle accueillit chez elle, dans son petit logement, une femme âgée, aveugle et paralysée qui survivait seule dans un taudis.

D'autres jeunes femmes s'associèrent à elle et, en 1842, elles s'appelèrent: 'Les servantes des pauvres'.

Pauvres elles-mêmes, la quête fut leur ressource essentielle et l'occasion de demander aux personnes aisées de partager leurs biens avec les pauvres que Jeanne appelait les 'membres souffrants de Jésus-Christ'.

La Congrégation connut un grand développement en Europe et même dans d'autres continents. A partir de 1852, une cabale de quelques Religieuses la firent exclure de la direction de sa Congrégation et elle fut soumise, ignorée, à une sorte de réclusion.
"Je ne vois plus que Dieu seul", disait-elle. On reconnut son humilité et sa sainteté au moment de sa mort.

Voir aussi sur le site du diocèse de Rennes: Jeanne Jugan, fondatrice des Petites Sœurs des Pauvres, Sr Marie de la Croix.
Le 11 Octobre 2009 à Rome, canonisation de Jeanne Jugan et de Damien de Veuster - dossier sur le site internet de l'Église Catholique en France.

"Par son œuvre admirable au service des personnes âgées les plus démunies, Sainte Marie de la Croix est aussi comme un phare pour guider nos sociétés qui ont toujours à redécouvrir la place et l’apport unique de cette période de la vie. Née en 1792 à Cancale, en Bretagne, Jeanne Jugan a eu le souci de la dignité de ses frères et de ses sœurs en humanité, que l’âge a rendus vulnérables, reconnaissant en eux la personne même du Christ.
'Regardez le pauvre avec compassion, disait-elle, et Jésus vous regardera avec bonté, à votre dernier jour'. Ce regard de compassion sur les personnes âgées, puisé dans sa profonde communion avec Dieu, Jeanne Jugan l’a porté à travers son service joyeux et désintéressé, exercé avec douceur et humilité du cœur, se voulant elle-même pauvre parmi les pauvres. Jeanne a vécu le mystère d’amour en acceptant, en paix, l’obscurité et le dépouillement jusqu’à sa mort.
Son charisme est toujours d’actualité, alors que tant de personnes âgées souffrent de multiples pauvretés et de solitude, étant parfois même abandonnées de leurs familles. L’esprit d’hospitalité et d’amour fraternel, fondé sur une confiance illimitée dans la Providence, dont Jeanne Jugan trouvait la source dans les Béatitudes, a illuminé toute son existence. Cet élan évangélique se poursuit aujourd’hui à travers le monde dans la Congrégation des Petites Sœurs des Pauvres, qu’elle a fondée et qui témoigne à sa suite de la miséricorde de Dieu et de l’amour compatissant du Cœur de Jésus pour les plus petits.
Que Sainte Jeanne Jugan soit pour les personnes âgées une source vive d’espérance et pour les personnes qui se mettent généreusement à leur service un puissant stimulant afin de poursuivre et de développer son œuvre!" (source:
Radio Vaticana - Cinq nouveaux Saints pour l'Église universelle - 11 octobre 2009)
- Sainte Jeanne Jugan (1792-1879) La mendiante de Dieu La vie spirituelle de Sainte Jeanne Jugan se présente comme un dépouillement intérieur, toujours plus profond, qui la conduit à une transparence de plus en plus grande à l'action de Dieu en elle.

Figures de sainteté - site de l'Eglise catholique en France
- Découvrez le site internet 'Sur les pas de Jeanne Jugan'

À la Tour Saint-Joseph, près de Rennes, en 1877, Jeanne Jugan (Marie de la Croix), vierge. Pour mendier des ressources pour les pauvres et pour Dieu, elle fonda la Congrégation des Petites Sœurs des pauvres, mais, éjectée sans aucune justice de la direction de son institut, elle passa les vingt dernières années de sa vie dans la prière et l’humilité.

Martyrologe romain

St jeanne jugan life icon 2 Copyright George & Sergio Pinecross

https://petitessoeursdespauvres.org/jeanne-jugan/reconnaissance/beatification/

Extrait de l’homélie du Pape Jean-Paul II pour la Béatification de Jeanne Jugan.

« ... L'âme de Jeanne était véritablement plongée dans le mystère du Christ Rédempteur, spécialement dans sa Passion et sa Croix.

Son nom de Religion - Soeur Marie de la Croix – en est le symbole réel et émouvant. Depuis le hameau natal des Petites-Croix (coïncidence ou présage ?) jusqu'à son départ de ce monde, le 29 août 1879, la vie de cette Fondatrice est comparable à un long et très fécond chemin de croix, vécu dans la sérénité et la joie selon l'Évangile.

Comment ne pas souligner ici que, quatre ans après la naissance de l'OEuvre, Jeanne fut victime d'immixtions abusives et extérieures au groupe de ses premières compagnes ?

Elle se laissa dépouiller de sa charge de Supérieure, et un peu plus tard, elle accepta de rentrer à la maison mère pour une retraite qui durera vingt-sept années, sans la moindre protestation. En mesurant pareils événements, le mot d'héroïsme vient de lui-même à l'esprit...

 

« ... En recommandant souvent aux Petites Soeurs : "Soyez petites, bien petites! Gardez l'esprit d'humilité, de simplicité...", Jeanne livrait en vérité sa propre expérience spirituelle.

Et dans sa longue retraite à La Tour Saint Joseph, elle exerça certainement sur de nombreuses générations de novices et de Petites Soeurs une influence décisive, imprimant son esprit à la Congrégation par le rayonnement silencieux et éloquent de sa vie.

A notre époque, l'orgueil, la recherche de l'efficacité, la tentation des moyens puissants ont facilement cours dans le monde et parfois, hélas, dans l'Église.

Ils font obstacle à l'avènement du royaume de Dieu. C'est pourquoi la physionomie spirituelle de Jeanne Jugan est capable d'attirer les disciples du Christ et de remplir leurs coeurs de simplicité et d'humilité, d'espérance et de joie évangélique...

« ... Jeanne Jugan nous a également laissé un message apostolique tout à fait d’actualité. On peut dire qu'elle avait reçu de l'Esprit comme une intuition prophétique des besoins et des aspirations profondes des personnes âgées : ce désir d'être respectées, estimées, aimées ; cette appréhension de la solitude en même temps que le souhait d'un espace de liberté et d'intimité ; cette nostalgie de se sentir utiles ; et très souvent une volonté d'approfondir les choses de la Foi et d'en mieux vivre...

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Une personne qui l’a bien connue a dit que son caractère particulier était « la louange de Dieu ».
Cette louange prenait racine dans sa Foi. Pauvre avec les pauvres, heureuse de l’être, Jeanne faisait une confiance absolue à la bonté paternelle de Dieu, s’abandonnait aux voies de sa Providence, se savait « une servante inutile » et proclamait sa joie de « tout attendre du bon Dieu ».

Jeanne Jugan : pas d’écrits mais des paroles lumineuses.

Aimez bien le bon Dieu ! Il est si bon, le bon Dieu ! Tout pour Lui, faites tout par amour.
Ne refusez rien au bon Dieu, habituez-vous à tout faire pour lui. Dans vos ennuis, il faut toujours dire, Dieu soit béni, merci mon Dieu, ou gloire à Dieu !
Quand vous serez vieille, vous ne verrez plus rien, moi, je ne vois plus que le bon Dieu !

 

Mon bon Jésus, je n’ai que vous. Nous avons été greffées sur la Croix. Jésus vous attend à la chapelle.

Allez le trouvez quand vous serez à bout de patience et de force, quand vous vous sentirez seule et impuissante. Dites-lui : « Vous savez bien ce qui se passe, mon bon Jésus. Je n’ai que vous. Venez à mon aide…

Et puis, allez. Et ne vous inquiétez pas de savoir comment vous pourrez faire. Il suffit que vous l’ayez dit au bon Dieu. Il a bonne mémoire ! »

Mes enfants, vous aimez la Sainte Vierge, elle sera votre Mère !
Disons ensemble un Ave Maria !
Par l’Ave Maria nous irons en Paradis !
C’est de l’Église que tout bien nous vient.
Le Saint-Père avant tout !

Petites, bien petites… Soyez bien petites, devant le bon Dieu. Savoir s’effacer par l’humilité dans tout ce que le bon Dieu veut de nous. Nous ne sommes que les instruments de son œuvre !

Soyez une belle rose de Charité !
N’oubliez jamais que le Pauvre, c’est Notre Seigneur.
Lorsque vous serez près des pauvres, donnez-vous à plein cœur.

Lorsque vous serez en maison, soyez bonnes avec les vieillards, surtout à l’égard des infirmes… aimez-les bien !
Regardez le pauvre avec Compassion, et Jésus vous regardera avec bonté.
Il faut toujours être de bonne humeur, nos vieillards n’aiment pas les figures tristes.
Frappez, frappez à la porte du ciel pour les âmes.

C’est si beau d’être pauvre, de ne rien avoir, de tout attendre du bon Dieu !
Donnez, donnez la maison, si Dieu la remplit, Dieu ne l’abandonnera pas.
Si Dieu est avec nous, cela se fera…

Le bon Dieu m’a bénie parce que j’ai toujours beaucoup remercié la Providence.
Soyez reconnaissante de votre vocation.
C’est une grande grâce que le bon Dieu vous fait de vous appeler à servir les pauvres.
Ne refusez rien au bon Dieu. Rien n’est petit dans la vie religieuse… Il faut tout faire par amour.

Dernières paroles : « Père éternel, ouvrez vos portes aujourd’hui à la plus misérable de vos petites filles mais qui a si grande envie de vous voir. O Marie, ma bonne Mère, venez à moi, vous savez que je vous aime et que j’ai grande envie de vous voir. »

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Découvrir Jeanne Jugan

Jeanne Jugan

Fondatrice des Petites Sœurs des Pauvres

Jeanne Jugan, parmi les Saints, « la plus humble mais grande devant Dieu » nous apprend quelle est la pensée de Dieu sur notre vieillesse...

Extraits de la brève biographie de Jeanne Jugan (1792 - 1879).

Fondatrice des Petites Soeurs des Pauvres

par Paul Milcent

La fille d’un pauvre marin (1792-1816)

Une petite maison basse au toit de chaume, au sol de terre battue ; un hameau sur les hauteurs qui dominent la baie de Cancale en Bretagne (France) ; voilà le cadre où naquit Jeanne Jugan le 25 octobre 1792.
1792 : cette date évoque des événements dramatiques. Quelques semaines plus tôt, deux cents prêtres ont été massacrés à Paris parce qu’ils refusaient de prêter le serment exigé par le pouvoir révolutionnaire ; et quelques mois après, le roi Louis XVI sera guillotiné.

Déjà, on pressent que l’Ouest de la France va se soulever pour défendre ses traditions, et ce sera, pendant sept ou huit ans, une dure guerre civile.

Comme beaucoup d’autres églises, celle de Cancale sera fermée, transformée en magasin à fourrage. Ces événements difficiles vont marquer l’enfance de la petite Jeanne.

Vers 15 ou 16 ans, Jeanne fut placée, comme aide-cuisinière, dans une famille des alentours. Jeanne ne fut pas seulement employée à la cuisine : elle fut associée au service des pauvres. Elle alla visiter des familles indigentes, des vieillards isolés. Elle apprenait, déjà, le partage, le respect, la tendresse et combien il faut de délicatesse pour ne pas humilier ceux qui ont besoin d’être aidés.

Elle ne connaissait rien de l’avenir. Et pourtant, un obscur pressentiment, peut-être, l’habitait. En tout cas, elle dit un jour à sa mère : « Dieu me veut pour Lui. Il me garde pour une œuvre qui n’est pas connue, pour une œuvre qui n’est pas encore fondée. »…

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En 1817, Jeanne, âgée de 25 ans, quitta Cancale et sa famille. Jeanne entra comme infirmière à l’hôpital du Rosais, trop petit pour accueillir les détresses qui s’y réfugiaient. Car un hôpital, alors, c’était davantage un refuge pour toutes les misères qu’un haut lieu de la science médicale ; et une infirmière n’avait de formation que ce qu’il fallait pour préparer des tisanes, faire des pansements, poser des cataplasmes...
Pendant six ans environ, Jeanne se dévoua auprès des trois cents malades qui s’entassaient là, avec trente-cinq enfants trouvés ou abandonnés. Parmi ces pauvres gens « teigneux, galeux, vénériens », avec des moyens très insuffisants, le travail était rude, épuisant. Jeanne s’y donna de tout son cœur. On raconte qu’en plus, elle consacra ses moments libres à des initiatives apostoliques ; c’est ainsi qu’elle aurait pris à part un infirmier pour le catéchiser.
Elle était soutenue par une foi vive. Lors d’une mission qui ranima la vie Chrétienne à Saint-Servan en 1817, on créa des Congrégations destinées à favoriser une entraide spirituelle, à stimuler la Prière et la réflexion Chrétienne.
Jeanne s’inscrivit à la Congrégation des jeunes filles.

Un peu plus tard, elle entra dans un groupement plus exigeant, ce « tiers ordre » eudiste (ou Société du Cœur de la Mère admirable) qu’elle avait sans doute entrevu dès son enfance par les personnes de foi qui l’avaient catéchisée.
Les femmes qui composaient cette société menaient une sorte de vie religieuse à la maison, et s’assemblaient régulièrement pour des réunions de prière et de partage. Elles s’imposaient une discipline de vie et de prière quotidienne. Elles trouvaient surtout là une tradition spirituelle forte, venue de saint Jean Eudes : l’appel à un Christianisme du cœur, l’initiation à une Foi personnelle et libre, relation vivante avec Jésus Christ…

Vers la fin de 1839, peut-être aux premiers froids de l’hiver, Jeanne prit une décision : avec l’accord de Fanchon et de Virginie, elle amena à la maison une vieille femme, Anne Chauvin (veuve Haneau), aveugle et infirme. Jusque-là, cette personne vivait assistée par sa propre soeur ; mais celle-ci, malade, venait d’être hospitalisée : situation désespérée.
On raconte que Jeanne, pour lui faire gravir l’étroit escalier de la maison, la porta sur son dos... Ce qui est sûr, c’est qu’elle lui a donné son propre lit, et est montée s’installer elle-même au grenier. Et elle « l’adopta pour sa mère ».

Peu après, une autre femme âgée, Isabelle Cœuru, vint rejoindre Anne Chauvin. Elle avait servi jusqu’au bout ses vieux maîtres tombés dans la misère, avait dépensé pour eux ses propres économies, puis avait mendié pour les faire vivre.
Ils étaient morts, et elle demeurait épuisée et infirme. Jeanne apprit cette belle histoire de fidélité et de partage. Et sans plus tarder, elle l’accueillit au logis ; cette fois, c’est Virginie qui donna son lit et monta s’installer au grenier.
Le soir, après avoir soigné leurs deux protégées et dit bonsoir à la bonne Fanchon, Jeanne et Virginie montaient l’échelle qui menait à leur grenier ; et, ôtant leurs souliers pour ne pas faire de bruit, elles achevaient leurs tâches et leurs prières avant de se coucher.
Elles étaient trois à travailler (Virginie était couturière) pour l’entretien de cinq personnes, dont deux âgées et malades ; parfois, le soir, après le travail, il fallait veiller pour le raccommodage ou la lessive. Peut-être, dès ce temps, Jeanne commença-t-elle à tendre la main aux familles qu’elle connaissait bien…

Marie et Virginie parlèrent de leur amitié et de leur entraide spirituelle à un jeune vicaire de Saint-Servan, l’abbé Auguste Le Pailleur, qui était leur confesseur. Il les approuva et promit de les aider.
Il fit la connaissance de Jeanne, s’intéressa au groupe et à son action bienfaisante. Entreprenant, ingénieux, habile, il était lui-même attentif aux pauvres gens ; il pensa qu’il fallait soutenir ce qui pouvait être le commencement d’une œuvre. Son appui allait être efficace, mais aussi source de quelles épreuves !
Le 15 octobre 1840, avec son aide, les trois amies formèrent une association de charité qui adopta pour loi le petit règlement élaboré par Marie et Virginie.
Ce groupe allait rapidement compter un nouveau membre. Une jeune ouvrière de 27 ans, très malade, fut recueillie par Jeanne. Elle pensait mourir... mais elle guérit, et dès lors, participa à l’effort commun. Elle s’appelait Madeleine Bourges.
Ainsi, autour des deux femmes âgées accueillies par Jeanne, une petite cellule était née : c’était déjà l’embryon d’une grande congrégation qui s’appellerait, bien plus tard, les Petites Sœurs des Pauvres.
En 1840, Jeanne et ses compagnes ne le savaient pas. Mais, déjà, elles rêvaient d’accueillir d’autres misères, d’offrir à d’autres personnes réconfort, sécurité et tendresse. L’argent, Dieu ne le refuserait pas. Mais la maison était pleine : elles décidèrent d’en changer…

« Sœur Jeanne, remplacez-nous, quêtez pour nous... » Ainsi parlaient les bonnes vieilles qui avaient longtemps vécu de mendicité. Elles soulignaient par là le cœur même de cette démarche de la quête, qui allait prendre tant de place dans la vie de Jeanne : elle-même allait se substituer aux pauvres, s’identifier à eux ; ou mieux, guidée par l’Esprit de Jésus, elle allait reconnaître en eux « sa propre chair » (ls 58, 7). Leur détresse était sa détresse, leur quête était sa quête.
Des motifs pratiques l’ont d’ailleurs amenée à quêter elle-même : si elle avait laissé les bonnes femmes (comme on les appelait gentiment) continuer leurs tournées par les rues de la ville, elle les aurait exposées à bien des misères, surtout celles qui s’adonnaient à la boisson. Alors, elle demanda à chacune, avec respect, de lui indiquer les adresses de ses bienfaiteurs, et elle fit la tournée à leur place. Elle expliquait : « Eh bien, Monsieur, ce ne sera plus la petite vieille qui viendra désormais, ce sera moi. Veuillez bien nous continuer votre aumône. » On aura remarqué ’ce nous...

Ce ne fut pas facile de prendre cette décision. Jeanne était fière ; certes, elle avait vu jadis à Cancale les femmes de marins s’entraider en tendant la main avec dignité ; mais cela ne suffisait pas pour la faire entrer de gaieté de cœur dans la mendicité. Devenue vieille, elle se rappellera encore cette victoire sur elle-même qu’elle dut bien des fois remporter : « J’allais avec mon panier chercher pour nos pauvres... Cela me coûtait, mais je le faisais pour le bon Dieu et pour nos chers pauvres... »…

Jeanne se fit donc chercheuse de pain. Elle demandait de l’argent, mais aussi des dons en nature : de la nourriture - les restes de repas ou dessertes seront souvent bien appréciés -, des objets, des vêtements... « Je vous serais bien reconnaissante si vous pouviez me donner une cuiller de sel ou un petit morceau de beurre... Nous aurions besoin d’un chaudron pour cuire le linge... Un peu de laine ou de filasse nous rendrait service... »

Elle ne craignait pas de dire sa Foi ; si elle venait demander du bois pour la fabrication d’un lit, il lui arrivait de préciser : « Je voudrais un peu de bois pour soulager un membre de Jésus-Christ. »
Elle n’était pas toujours bien accueillie. Au cours d’une tournée, elle avait sonné chez un vieil homme riche et avare ; elle avait su le persuader, et il lui avait remis une bonne offrande. Elle y retourne le lendemain : cette fois, il se fâche. Elle sourit : « Mon bon monsieur, mes pauvres avaient faim hier, ils ont encore faim aujourd’hui, et demain, ils auront encore faim... » Il donna à nouveau et il promit de continuer. Ainsi, avec le sourire, savait-elle inviter les riches à la réflexion et à la découverte de leurs responsabilités.
Un trait est resté célèbre. Un vieux célibataire, irrité, l’avait giflée ; elle répond doucement : « Merci ; cela c’est pour moi. Maintenant, donnez-moi pour mes pauvres, s’il vous plaît ! »

 

Elle allait souvent chercher des secours au Bureau de Bienfaisance de la ville et, dans les premiers temps, on la traitait comme quelqu’un de la maison. Mais un jour, une employée la rudoya, et lui dit de prendre son rang dans la queue parmi les mendiants. Elle obéit. Elle était mendiante, après tout ; c’était sa place.
Quand c’était trop dur, elle s’encourageait. Elle disait à sa compagne : « Marchons pour le bon Dieu ! » Ou bien, un jour de fête, à Saint-Servan, avec un de ces demi-sourires qui lui étaient familiers : « Aujourd’hui, nous allons faire une bonne quête, parce que nos vieillards ont eu un bon dîner. Saint Joseph doit être content de voir que ses protégés sont bien soignés. Il va nous bénir ! »
Il semble qu’elle avait une qualité de présence qui impressionnait les gens, une sorte de charme qui opérait sur eux. Un homme qui l’a bien connue a cette jolie formule : « Elle avait un don de parole, une grâce à demander… Elle quêtait en louant Dieu, pour ainsi dire. »
Vécue ainsi, la quête se transfigurait. Elle aurait pu provoquer une simple démarche d’assistance, par laquelle les riches se seraient donné bonne conscience ; mais Jeanne en faisait une évangélisation, qui mettait la conscience en question, et invitait à un changement de cœur.
Grâce à la quête, l’action de la petite société put s’amplifier. On s’installa sans crainte dans la Maison de la Croix, et au mois de novembre 1842, il y avait là vingt-six vieilles femmes, dont certaines étaient bien malades. Cela demandait beaucoup de travail…

Parfois un don inattendu survenait. Ainsi en fut-il lorsque le neveu d’une ancienne poissonnière de fort mauvaise réputation constata le prodige : accueillie à la Maison de la Croix, elle était devenue une autre femme, avait retrouvé sa dignité. Dans son émerveillement, le brave neveu légua sept mille francs à la maison ; il mourut peu après.
Cette somme arriva à temps pour payer la toiture d’un nouveau bâtiment dont la construction avait été entreprise sans aucune réserve : juste une pièce de cinquante centimes qu’on déposa au pied d’une statue de Notre-Dame. Tout le monde s’y mit. Les uns donnèrent des pierres, d’autres du ciment, d’autres des charrois gratuits, d’autres des heures de travail. Les sœurs manièrent la pelle ou la truelle. Et, pour acquitter les trois mille francs qui manquaient, le Prix Montyon survint juste à point.
C’était un prix attribué chaque année par l’Académie Française à un Français pauvre, auteur de l’action la plus méritante. Les amis de la maison insistèrent auprès de Jeanne, et elle finit par accepter qu’on le demandât pour elle. Le maire de Saint-Servan et les principaux notables de la ville signèrent une adresse à l’Académie, et le Il décembre 1845, devant un illustre auditoire où figuraient Victor Hugo, Lamartine, Chateaubriand, Thiers et bien d’autres célébrités, M. Dupin aîné fit un vibrant éloge de l’humble Jeanne. Les journaux en parlèrent. Le discours fut publié…

Jeanne se rendit compte que ce discours pourrait lui rendre service : là où elle irait quêter, elle emporterait, comme elle disait, la brochure à l’Académie, et ce serait pour elle une recommandation efficace.

Elle allait l’utiliser, de fait, au cours de ses quêtes sur de nouveaux terrains : Rennes, Dinan, Tours, Angers et bien d’autres villes de France.
Cette vie de quêteuse, Jeanne la mena presque sans discontinuer de 1842 à 1852, pendant dix ans. Et jamais elle ne fut déçue par Celui en qui elle avait mis toute sa confiance. A l’étonnement de tous, le nombre des pauvres vieillards croissait sans cesse ; ils étaient bien traités et heureux ; on agrandissait la maison et on allait en acquérir d’autres... avec rien, sans aucune ressource assurée. Aucune autre explication que l’inlassable quête de Jeanne, l’effort collectif de toute une cité stimulée par elle, et sa Foi en l’indéfectible amour de Dieu pour ses pauvres.

Les Sœurs des Pauvres

Peu à peu, le petit groupe que formaient Jeanne et ses amies prenait conscience de mener une vie religieuse et s’organisait en conséquence.
Elles avaient fait des vœux - vœux privés, pas encore vœux religieux officiels - d’obéissance et de chasteté. Elles portaient déjà quelque chose comme un costume uniforme, inspiré d’ailleurs directement des usages vestimentaires des paysannes de la région. Comme les Frères de Saint-Jean-de-Dieu, les sœurs portaient sur elles un petit crucifix et une ceinture de cuir. Et puis, elles prirent des « noms de religion » ; Jeanne s’appellerait Sœur Marie de la Croix.
En décembre 1843, elle fut réélue supérieure. Mais voici que, deux semaines plus tard, l’abbé Le Pailleur, de sa propre autorité, cassa cette élection et désigna comme supérieure la timide Marie Jamet, âgée de 23 ans, qui était sa pénitente : elle serait plus souple dans sa main que Jeanne Jugan, âgée de 51 ans, forte d’une longue expérience, connue à Saint-Servan depuis vingt-six ans, et qui ne s’adressait pas personnellement à lui.
Le Prêtre avait décidé : à cette époque, face à un prêtre, qu’auraient pu faire d’humbles femmes ? Elles s’inclinèrent. Mais pour Jeanne, ce ne fut sans doute pas sans douleur ni sans inquiétude...
Elles continuèrent leur route. D’ailleurs, à l’extérieur du petit groupe, personne ne sut le changement : Jeanne resta aux yeux de tous garante de l’œuvre entreprise.
Au début de l’année 1844, l’association changea de nom officiel : les sœurs choisirent de s’appeler Sœurs des Pauvres, sans doute pour mieux marquer la fraternité évangélique voulue par Jésus et l’intention de partage total, de plain-pied avec ces frères et sœurs.
Puis les sœurs firent pour un an les vœux privés de pauvreté et d’hospitalité : ce quatrième vœu - par lequel elles se consacraient à l’accueil des pauvres vieillards - était inspiré directement de l’usage établi chez les Frères de SaintJean-de-Dieu.
En janvier 1844, Eulalie Jamet avait suivi sa sœur aînée Marie à la Maison de la Croix. A la fin de 1845, une nouvelle sœur se joignit au petit groupe : Françoise Trévily fut la sixième Sœur des Pauvres.
Et l’année suivante, une étape décisive allait être franchie : la Fondation d’une seconde maison…

Un peu plus tard, à la suite d’une quête de Jeanne, une troisième maison s’ouvrit à Dinan, dans une vieille tour des remparts. On ne tarda pas à la quitter pour une maison moins sinistre, puis pour un ancien Couvent.

Jeanne quêtait toujours. La voici, en janvier 1847, à Saint-Brieuc. Un journal local la présente :

« Jeanne Jugan, cette fille si dévouée au service des malheureux, qui a fait des miracles de charité et dont les feuilles de la Bretagne ont si souvent retenti l’année dernière, est en ce moment dans nos murs. Elle fait une quête pour son œuvre ; elle se présente chez les personnes charitables et dit seulement : « Je suis Jeanne Jugan. » Un pareil nom suffit pour lui faire ouvrir toutes les bourses. »
Et Jeanne marchait toujours, « le bissac en bandoulière et le panier à la main », pour mendier au nom des pauvres vieillards.

Quelquefois, c’était pour aller au secours d’une des maisons récemment fondées : Saint-Servan, Rennes, Dinan, puis Tours (1849).
Car cette œuvre, dont elle s’était vu ôter la direction, à plusieurs reprises elle allait la sauver du désastre, parce que c’est à elle qu’on faisait confiance, et parce que c’est elle qui voyait ce qu’il fallait faire. Elle venait, prenait les mesures nécessaires, obtenait les fonds qui manquaient, encourageait les uns et les autres, puis disparaissait ; on avait besoin d’elle ailleurs.

Elle n’avait pas « où reposer sa tête » ; elle semblait n’appartenir à aucune communauté locale déterminée. Pourvu que les pauvres vieillards soient logés, entourés, aimés, elle accepte, elle, d’être sans feu ni lieu…

Le 1er août, une nouvelle Fondation commença : une maison à Paris. Elle avait été demandée par la Conférence Saint-Vincent-de-Paul, qui avait connu l’œuvre par M. d’Outremont.
A la fin de la même année 1849, deux autres maisons ont pris leur essor : l’une à Besançon, l’autre à Nantes.
C’est à Nantes que se répandit le nom de Petites Sœurs des Pauvres, qui devint officiel un peu plus tard. L’intuition populaire avait trouvé le qualificatif qui exprimait au mieux l’intention de Jeanne : excluant toute domination, se faire tout petit pour mieux aimer.
Jeanne n’avait pas participé directement aux fondations de Paris, de Besançon ni de Nantes. En revanche, c’est elle qui donna naissance à la maison d’Angers. Voici comment.
Poursuivant sa quête inlassable, Jeanne arriva à Angers en décembre 1849, attendue déjà par plusieurs familles. Elle venait tendre la main pour les fondations déjà faites, mais elle eut dès le début (comme à Rennes) la pensée de doter la ville d’Angers - qui lui était si accueillante -d’un asile pour les pauvres vieillards.

Grâce à un Prêtre, qui était vicaire général à Rennes, on trouva rapidement une maison, et la fondation se fit en avril 1850.

Le 3 avril donc, elle revint à Angers en compagnie de Marie Jamet et de deux jeunes sœurs. L’évêque, Mgr Angebault, les reçut à bras ouverts. Comme ailleurs, elles arrivaient les mains vides : à elles quatre, elles n’avaient que six francs en bourse pour commencer l’établissement.
On obtint les autorisations voulues, on s’installa et on se mit à quêter. Deux jours plus tard, Marie repartait pour Tours, « déjà consolée » et accompagnée de deux postulantes angevines. A la fin d’avril, on accueillait les premières personnes âgées.
Les dons affluaient, et pourtant, un jour, le beurre manqua. Jeanne vit que les vieillards mangeaient leur pain sec.

« Mais c’est le pays du beurre, dit-elle. Comment, vous n’en demandez pas à saint Joseph ? » Elle alluma une veilleuse devant une statue du Père nourricier, fit apporter tous les pots vides et plaça un écriteau : « Bon saint Joseph, envoyez nous du beurre pour nos vieillards ! » Les visiteurs s’étonnaient ou s’amusaient de cette candeur ; l’un d’eux exprima un doute - bien raisonnable ! - sur l’efficacité du procédé. Mais, sous ces signes naïfs se cachait une telle Foi !...

Quelques jours plus tard, un donateur anonyme fit envoyer un lot très important de beurre, et tous les pots furent remplis.
Jeanne voulait que la maison des pauvres soit gaie. Portée par le réseau angevin d’amitié, elle vint un jour trouver le colonel qui commandait une unité en garnison à Angers ; elle lui demanda d’envoyer, l’après-midi d’un jour de fête, quelques musiciens du régiment pour la joie de ses bons vieux.

« Ma sœur, je vous enverrai toute la musique pour vous faire plaisir et réjouir vos chers vieillards. » Cette fanfare d’Angers semble accompagner d’allégresse l’amour qui se donne et qui suscite l’amour.
Jeanne quitta Angers pour d’autres villes, pour d’autres quêtes. Pendant l’hiver 1850-1851, on repère sa trace à Dinan, à Lorient, à Brest…

« Vous m’avez volé mon œuvre » (1852-1856)

Arrêtons-nous un peu à l’étrange itinéraire de l’abbé Le Pailleur - qui ne s’explique en vérité que par une faille subtile, mais sans doute profonde, dans sa personnalité.
En 1843, il avait donc cassé la réélection de Jeanne Jugan comme supérieure pour confier cette responsabilité à sa fille spirituelle Marie Jamet.

Dans les années suivantes, son emprise sur l’œuvre devint de plus en plus grande, tandis que Jeanne, infatigablement, quêtait pour les nouvelles maisons, travaillait directement à deux fondations, accourait pour soutenir et sauver celles qui chancelaient, garantissait par sa présence et son nom la valeur et le dynamisme des initiatives prises en faveur des vieillards démunis.

L’approbation épiscopale obtenue, l’installation de la maison-mère à Rennes réalisée, l’abbé Le Pailleur prit une décision qui allait modifier totalement l’existence de Jeanne : il l’appela à la maison-mère.

Désormais, elle n’aurait plus de relations suivies avec les bienfaiteurs ni de fonction notable dans la congrégation ; elle vivrait cachée derrière les murs de La Piletière, occupée à d’humbles tâches.
Jeanne avait un peu moins de 60 ans, elle était en pleine activité. Elle obéit humblement. Elle devait rester là - à Rennes puis à La Tour Saint-Joseph en Saint-Pern - sans responsabilités, jusqu’à sa mort, c’est-à-dire pendant vingt-sept années.
A La Piletière, elle allait vivre toute petite. Elle était désormais « Sœur Marie de la Croix ». A l’intérieur de la congrégation, on n’employa plus guère son nom de Jeanne Jugan ; mais au-dehors, il resta vivant dans combien de mémoires !
Elle fut chargée, au début, de diriger le travail manuel des postulantes - fort nombreuses : soixante-quatre en 1853. On a gardé le souvenir de sa bonté, de sa douceur à leur égard. Elle a toujours aimé les jeunes, et elle en a été aimée.
Elle ne revendiquait rien, elle vivait pleinement son effacement. Bien plus tard, une sœur a noté : « Jamais je ne lui ai entendu dire la plus petite parole qui pût faire supposer qu’elle avait été la première supérieure générale.

Elle parlait avec tant de respect, tant de déférence, de nos premières bonnes Mères (= supérieures). Elle était si petite, si respectueuse dans ses rapports avec elles... »

Elle vit mourir à 32 ans une de ses premières sœurs, Virginie Trédaniel. Est-ce cette mort ou sa propre souffrance, ou le souvenir des premières épreuves de la fondation ? ... Un jour, elle dit aux postulantes : « Nous avons été greffées dans la Croix. »

Cette greffe était bien vivante. L’Église la reconnut comme sienne. _ Le 9 juillet 1854, le pape Pie IX approuva la congrégation des Petites Sœurs des Pauvres. Joie profonde pour la foi de Jeanne.
Pour se faire reconnaître comme fondateur et supérieur général de ce nouvel institut, l’abbé Le Pailleur avait, progressivement, déformé l’histoire des origines.

Pendant les trente-six années qui suivirent, les jeunes qui entrèrent dans la congrégation n’apprirent qu’une histoire truquée où Jeanne apparaissait comme la troisième Petite Sœur des Pauvres.
L’abbé, lui, se faisait donner des marques de respect tout à fait excessives ; il exerçait sur la congrégation une autorité absolue : tout passait par ses mains ; toute décision était prise par lui ; en toutes choses, il fallait recourir à lui.
Mais l’étonnement, voire le scandale, finirent par être perçus en haut lieu. On fit une enquête par décision du Saint Siège.

Et en 1890, l’abbé Le Pailleur fut destitué et appelé à Rome, où il acheva ses jours dans un couvent.
Pendant plus de quarante ans, Marie Jamet lui avait été docilement soumise : elle croyait bien faire. Mais elle avait été souvent déchirée entre ce qu’elle pensait être son devoir d’obéissance et le respect de la vérité.

Peu avant de mourir, elle a reconnu ; « Ce n’est pas moi qui suis la première Petite Sœur des Pauvres ni la fondatrice de l’Oeuvre. C’est Jeanne Jugan qui est la première et la fondatrice des Petites Sœurs des Pauvres. »
Jeanne, elle, avait vécu tout cela avec un mélange de douleur et de confiance. Elle était lucide, et ne pouvait approuver ; mais sa Foi s’élevait plus haut que ces manœuvres.

Elle gardait le cœur assez libre pour dire en plaisantant à l’abbé Le Pailleur ce qu’elle pensait de lui ; « Vous m’avez volé mon œuvre ; mais je vous la cède de bon cœur ! »

Jeanne jugan pic 1Copyright George & Sergio Pinecross

http://mgrellul.over-blog.com/article-homelie-pour-le-28eme-dimanche-du-temps-ordinaire-ste-jeanne-jugan-37373387.html.

Cette obéissance, ce silence, cette vie pas facile, avec des contrariétés, des mises à l’écart, des rejets, des critiques acerbes, ont été le lot de Ste Jeanne Jugan, que le Pape Benoît XVI canonise aujourd’hui, avec le Père Damien qui a consacré sa vie aux lépreux et 3 autres saints, polonais, catalan et espagnol.

Quelle femme, quelle fougue, malgré sa longue traversée du désert. Pendant quelques instants, je vous emmène avec elle au "pays de l’oubli", où une petite rose, ignorée de tous, oubliée, elle aussi, arrête le regard de Jeanne qui souffre de rejet de la part de la communauté qu’elle a fondée et lui révèle le secret de la Beauté éternelle. 

Elle est née le 25 octobre 1792 en Ille-et-Vilaine, à Cancale. Son père meurt en mer, toute jeune est, elle au service de la vicomtesse de la Choue comme aide-cuisinière.

Point de mariage, car Dieu la veut pour lui et la garde pour une œuvre qui n’est pas connue. Elle entre dans le tiers ordre eudiste et fait vœu de célibat. Bientôt, après un temps de maladie, elle visite les pauvres avec une amie, puis loue un appartement à St Sevran.

L’accueil des plus pauvres vient de commencer. Elle à 47 ans et une vie rythmée par la prière.

 

Ce qui a fait sa vie : l’obéissance et le silence. A la lecture de son témoignage, on reste confondu devant tant de confiance au Seigneur et en la Providence.

Le jour même de la profession de 23 petites sœurs, en juillet 1856, l’abbé Le Pailleur, prend la parole et après les compliments d’usage, salue les plus anciennes par leur nom, rappelant qu’elles sont les piliers de la congrégation.

Il s’abstient de nommer Jeanne. Elle seule fut oubliée. Pas un mot, oubli total, comme si elle n’avait rien fait, jamais existé.

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La rose ne dit pas son nom ; peu importe qu’on la voie ou non, elle fleurit tout simplement, et ce soir-là, avant de s’endormir, Jeanne pouvait se tourner vers le Crucifix et dire en toute vérité :

« Seigneur je n’ai pas le cœur fier, ni le regard ambitieux… non, je tiens mon âme tranquille et silencieuse. » (Psaume 131).

Cette bretonne, fille de marin, savait que « vents hurleurs, rocs et ressacs, entourent l’éternel chant du monde » (Xavier Grall). Elle souffrait quand même.

A une amie qui était venue lui rendre visite, elle disait : « Ne m’appelez plus Jeanne Jugan, mais sœur Marie de la Croix. »

Rencontrant l’abbé Le Pailleur, elle lui dit : « Vous m’avez volé mon œuvre… Mais je vous la donne de bon cœur ! »

 

Un jour elle dira aux novices : « Vous voyez ces ouvriers qui taillent la pierre blanche pour la chapelle et comme ils la font jolie cette pierre ? Il faut vous laisser travailler ainsi par Notre-Seigneur. »

Quand elle passait dans le parc devant une petite rose, elle la regardait. Comment se fait-elle si belle, se demandait-elle ? Comment sans le vouloir et même sans le savoir, revêt-elle l’éclat de l’aurore ?

Et aux novices : « Il faut vous laisser humilier. Au lieu de descendre en vous-même, montez vers le bon Dieu ! Non ne pas descendre en soi, se replier sur soi, mais monter, monter toujours plus haut, se laisser porter par la houle de son cœur, ne pas vouloir garder pour soi la plénitude intérieure comme un trésor qui vous appartient. »

A une jeune sœur : « Qui garde sa langue, tient son âme ! »

Oui, son silence, c’était son âme, c’était sa flamme. Il avait aussi une autre profondeur. On ne peut pas la séparer du mystère de Dieu qu’elle n’a cessé de contempler durant les 27 ans de sa réclusion.

On finit toujours à ressembler à celui que l’on contemple et son silence intérieur, prend une dimension prophétique pour notre temps.

« Revenir à la source, Dieu est là. Il est ma source, mon commencement. Il me parle dans cette part de moi-même qui plonge dans son éternelle enfance.

Il y a en chacun de nous sous un tas de pierraille, une source divine qui ne demande qu’à jaillir et à chanter. »

Q’avec ces phrases, répétée à loisir pendant sa prière et aux novices qu’elle côtoyait, que Ste Jeanne Jugan, nous donne ce sens de l’émerveillement, de la gratuité, du silence, de la confiance en Dieu, de la retenue verbale et des critiques ; qu’elle nous protége et nous aide à toujours partager avec les plus pauvres, car ils sont Le Christ.

Date de dernière mise à jour : 29/08/2024

Commentaires

  • sergio pinecross, iconographer

    1 sergio pinecross, iconographer Le 03/12/2013

    My father George Pinecross and I painted the original icons of St. Jeanne Jugan that you have on your website. We own the copyright. Please add: Copyright George & Sergio Pinecross next to the icons of Venerable Mother Jeanne Jugan (2 images), The Life of St. Jeanne Jugan and the icon of St. Jeanne Jugan with Elders. In the future please contact us before reproducing our icons.

    thank you for your prompt attention with this matter.

    Sincerely,
    Sergio Pinecross
  • Sergio Pinecross

    2 Sergio Pinecross Le 04/12/2013

    Thank you for adding the copyright notice to the two icons. My father and I greatly appreciate your prompt attention. The icon of Venerable Mother Jeanne Jugan (two images: complete icon and a detail) still have no copyright notice. Please add our copyright notice to both icons. Thank you in advance.

    Sergio Pinecross, Iconographer

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