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Jeudi-Saint. Fête du Triduum Pascal. Fête le 28 Mars 2024.
Jeudi 28 Mars 2024 : Fête du Triduum Pascal : Jeudi-Saint.
Il est important de rappeler que quatre grands évènements majeurs sont au cœur de la Fête du Jeudi-Saint.
1/ Jésus, Notre Dieu, se fait l’esclave de tous en se mettant à genoux devant chacun des apôtres (y compris celui qui le trahira) pour leur laver les pieds…chose que seul les esclaves faisaient, ce qui a scandalisé Pierre…Humble parmi les humbles, de la première place qu’il avait (sur Son Trône au Ciel), il a pris la place la plus méprisable, la dernière place, pour être sûr de pouvoir élever chacun pour le conduire au Ciel, s’il le désire.
2/ Jésus Notre Dieu, après avoir célébré la Pâques Juive, institua la Sainte Cène, la première Eucharistie qui se poursuivra jusqu’à la fin du monde. Jésus se donna en nourriture aux apôtres avant de se donner à tous les Chrétiens, la manne au désert pour le peuple Juif en exode, le pain que Jésus a multiplié pour nourrir le peuple affamé devient Son Corps pour nourrir notre âme afin qu’elle hérite du Ciel (Par ce principe de nutrition, Jésus devient notre péché qu’il cloue au bois de La Croix, et nous, nous prenons sa Divinité pour hériter du Royaume du Père).
L’eau est changée en vin à Cana pour le bonheur d’une Fête humaine. Ce vin est changé en Sang du Christ pour nous purifier de tout ce qui souille notre âme et nous unir les uns aux autres par ce Sang du Christ qui circule dans tout Son Corps qu’est L’Église.
Ce geste de Consécration du pain et du vin institué par Jésus lors de la Sainte Cène, qui se transforme en Son Corps et Son Sang, se poursuit par les mains du Prêtre lors de chaque Eucharistie, et cela jusqu’à la fin du monde
3/ Jésus se retire ensuite au jardin des Oliviers où il va vivre sans doute la souffrance la plus grande de Sa Passion, prenant tous les péchés du monde sur lui, provoquant ainsi la colère du Père qui s’éloigne du fils au point que celui-ci ne le voit plus et ne le sens plus (Père, pourquoi m’as-tu abandonné !) et permettant ainsi à Satan de se jeter sur Jésus pour le tenter et lui montrer l’inutilité de sa Mission devant tous ceux qui le rejetteront, malgré Son Sacrifice, pour suivre les rêves montrés par Satan et finir en Enfer éternel (comme Jésus l’a révélé à Sainte Brigitte : Jésus voyant la multitude des réprouvés qui devaient être damnés par leur péchés et pour lesquels Son Sacrifice aura été inutile…)…et Jésus en aura des sueurs de sang !!!
4/ Judas, à qui Jésus avait tant témoigné d’Amour, qui venait de Communier au Corps et au Sang de Jésus quelques instants plutôt, vient à la tête des troupes envoyés par le grand conseil pour arrêter Jésus.
Et comme geste de trahison, il embrassa Jésus !!!
Ainsi recevoir Le Corps du Christ en état de Grâce, après avoir regretté amèrement ses péchés (à l’image de Pierre lorsque le coq chanté et qu’il croisa le regard de Jésus) dans le Sacrement de Réconciliation nourri notre âme, notre esprit et notre corps pour les fortifier et leur permettre d’aller, chaque jour, au bout de l’Amour (à l’image de Jean au pieds de la Croix)…alors que recevoir Le Corps du Christ en état de péché et sans le moindre repentir, conduit à la damnation éternelle !!!
Triduum Pascal : Jeudi-Saint
Extraits de la Catéchèse du Pape Benoît XVI
(19 Mars 2008)
Chers frères et sœurs,
Les trois jours du Triduum Pascal sont couramment appelés « saints » car ils nous font revivre l'événement central de notre Rédemption; ils nous renvoient en effet au noyau essentiel de la Foi Chrétienne: la Passion, la mort et la Résurrection de Jésus Christ.
Ce sont des jours que nous pourrions considérer comme un jour unique: ils constituent le cœur et le point fondamental de toute l'année liturgique comme de la vie de l'Église.
Au terme de l'itinéraire quadragésimal, nous nous apprêtons nous aussi à entrer dans le climat même dans lequel Jésus a vécu à Jérusalem.
Nous voulons réveiller en nous la mémoire vivante des souffrances que le Seigneur a endurées pour nous et nous préparer à célébrer avec joie, dimanche prochain « la vraie Pâque, que le Sang du Christ a couverte de gloire, la Pâque lors de laquelle l'Église célèbre la Fête qui est à l'origine de toutes les fêtes », comme dit la préface pour le jour de Pâques dans le rite de saint Ambroise.
Chers frères et sœurs, en ces jours uniques, orientons résolument notre vie vers une adhésion généreuse et convaincue aux desseins du Père céleste; renouvelons notre “oui” à la volonté divine comme l'a fait Jésus avec le Sacrifice de la Croix.
Les rites suggestifs du Jeudi Saint, du Vendredi Saint, le silence riche de prière du Samedi Saint et la Veillée pascale solennelle nous offrent l'opportunité d'approfondir le sens et la valeur de notre vocation Chrétienne qui naît du Mystère pascal et de la concrétiser en nous mettant fidèlement à la suite du Christ en toute circonstance, comme Il l'a fait, jusqu'au don généreux de notre vie.
Jeudi-Saint : l'Église fait mémoire de la Dernière Cène au cours de laquelle le Seigneur, la veille de sa Passion et de sa mort, a institué le Sacrement de l'Eucharistie et celui du Sacerdoce ministériel.
Lors de cette même nuit, Jésus nous a laissé le commandement nouveau, “mandatum novum”, le commandement de l'Amour fraternel.
Avant d'entrer dans le Saint Triduum, mais déjà en lien étroit avec lui, dans chaque communauté diocésaine aura lieu la Messe Chrismale, au cours de laquelle l'Évêque et les Prêtres du presbyterium diocésain renouvellent les promesses de l'Ordination.
Sont également Bénies les huiles pour la Célébration des Sacrements: l'huile des catéchumènes, l'huile des malades et le saint chrême.
C'est un moment particulièrement important pour la vie de chaque communauté diocésaine qui, rassemblée autour de son pasteur, ressoude son unité et sa fidélité au Christ, unique Grand Prêtre Eternel.
Le soir, au cours de la Messe in Cena Domini, on fait mémoire de la Dernière Cène, quand Le Christ s'est donné à nous tous comme nourriture de Salut, comme remède d'immortalité: c'est le mystère de l'Eucharistie, source et sommet de la vie Chrétienne.
Dans ce Sacrement de Salut, Le Seigneur a offert et réalisé pour tous ceux qui croient en Lui, l'union la plus profonde possible entre notre vie et la sienne.
Avec le geste humble et combien expressif du lavement des pieds, nous sommes invités à rappeler ce que Le Seigneur fit à ses apôtres: en leur lavant les pieds il proclama concrètement la primauté de l'Amour, l'Amour qui se fait service jusqu'au don de soi, anticipant ainsi également le Sacrifice suprême de sa vie qui se consumera le lendemain sur le Calvaire.
Selon une belle tradition, les fidèles terminent le Jeudi Saint par une veillée de Prière et d'Adoration Eucharistique pour vivre plus profondément l'agonie de Jésus à Gethsémani. [...]
Pour lire la Catéchèse complète :
>>> Le Triduum pascal
BENOÎT XVI
AUDIENCE GÉNÉRALE
Mercredi 19 Mars 2008
Le Triduum pascal
Chers frères et sœurs,
…Chers frères et sœurs, en ces jours uniques, orientons résolument notre vie vers une adhésion généreuse et convaincue aux desseins du Père Céleste; renouvelons notre "oui" à la volonté divine comme l'a fait Jésus avec le sacrifice de la Croix.
Les rites suggestifs du Jeudi Saint, du Vendredi Saint, le silence riche de prière du Samedi Saint et la Veillée pascale solennelle nous offrent l'opportunité d'approfondir le sens et la valeur de notre vocation chrétienne qui naît du Mystère pascal et de la concrétiser en nous mettant fidèlement à la suite du Christ en toute circonstance, comme Il l'a fait, jusqu'au don généreux de notre vie.
Faire mémoire des mystères du Christ signifie aussi vivre dans une adhésion profonde et solidaire au moment présent de l'histoire, convaincus que ce que nous célébrons est une réalité vivante et actuelle.
Portons donc dans notre prière les faits et les situations dramatiques qui, ces jours-ci, affectent un grand nombre de nos frères dans toutes les régions du monde.
Nous savons que la haine, les divisions, la violence, n'ont jamais le dernier mot dans les événements de l'histoire.
Ces jours réaniment en nous la grande espérance: Le Christ crucifié est ressuscité et a vaincu le monde.
L'amour est plus fort que la haine, il a vaincu et nous devons nous associer à cette victoire de l'Amour.
Nous devons donc repartir du Christ et travailler en communion avec Lui pour un monde fondé sur la Paix, sur la Justice et sur l'Amour.
Dans cet engagement, qui nous concerne tous, laissons-nous guider par Marie qui a accompagné son Divin Fils sur le chemin de la Passion et de la Croix et a participé, avec la force de la Foi, à l'accomplissement de son dessein salvifique.
Avec ces sentiments, je vous présente d'ores et déjà mes vœux les plus cordiaux de joyeuse et sainte Pâque à vous tous, à ceux qui vous sont chers et à vos communautés.
Comme vient de le dire, le Pape Benoît XVI, selon une belle tradition, les fidèles terminent le Jeudi Saint par une veillée de Prière et d'Adoration Eucharistique pour vivre plus profondément l'agonie de Jésus à Gethsémani.
http://notredamedesneiges.over-blog.com/article-16979489.html
Début de l’Agonie de Jésus à Gethsémani
Gethsémani (en araméen : ?? ???? : "pressoir à huile"), désigné aussi comme le Jardin des Oliviers, est une oliveraie située au pied du Mont des Oliviers et séparée de Jérusalem par le torrent du Cédron.
Après la Sainte Cène au Cénacle, Jésus et ses disciples s'y rendirent. Ce fut pour Jésus une nuit de souffrance et de lutte contre Satan et ses anges, afin de nous offrir par Sa pleine Volonté à Son Père Sa Sainte Passion Rédemptrice.
Le Rocher de l'Agonie est toujours conservé dans la Basilique de Toutes les Nations. A côté de cette Basilique se trouvent des oliviers millénaires, qui ont probablement vu la scène de l'arrestation du Christ par les autorités religieuses de l'époque…
« Jésus sera en agonie jusqu’à la fin du monde : il ne faut pas dormir pendant ce temps-là.
Je pensais à toi dans mon agonie, j’ai versé telles gouttes de sang pour toi. (...)
Je te suis plus ami que tel et tel ; car j’ai fait pour toi plus qu’eux,
et ils ne souffriraient pas ce que j’ai souffert de toi
et ne mourraient pas pour toi dans le temps
de tes infidélités et cruautés » (Blaise Pascal, Pensées, BVII, 553)
A Gethsémani, la souffrance de la Personne Divine du Verbe en sa nature humaine est particulièrement angoissante.
Notre Seigneur se trouve agenouillé « dans un jardin, non de délice comme le premier Adam, où il se perdit avec tout le genre humain, mais de supplices, où Il se sauvera avec le genre humain » (Blaise Pascal).
L'angoisse Le fait redouter d’aller jusqu’au bout. Il est comme "paralysé" devant le châtiment à venir.
Satan, en habile pharisien, le nargue par des rires infernaux et des visions horribles. Jésus en est effrayé.
Tout tremblant et chancelant, Il hurle le Nom de Son Père, Il crie vers Lui et Lui demande la force d’aller jusqu’au bout, de ne pas succomber aux tentations du Malin.
La cause de ses horribles souffrances, c'est la Colère Divine visant à rétablir la Justice. Le Verbe Incarné se donne entièrement à cette Justice Divine pour notre Salut car Il est l'Unique Victime expiatoire et propitiatoire (1 Jean 2, 2) qui satisfait à Dieu le Père.
Pour cela, Il prend volontairement sur Lui tous les péchés du monde (passés, présents et futurs) qu'Il voit apparaître avec toutes leurs laideurs dans d'affreuses visions.
Cela Lui a causé une telle angoisse, une telle torture et une telle douleur spirituelle qu'Il en a sué du sang ! (Luc 22, 44).
À cette heure de la nuit naissante, le Christ bataille contre les ténèbres sataniques. Jamais lutte ne fut aussi intense, jamais victoire ne sera aussi décisive !
L’Heure Sainte (du Jeudi au Vendredi de 23h00 à 00h00)
« Toutes les nuits du Jeudi au Vendredi, je te ferai participer à cette mortelle tristesse que j'ai bien voulu sentir au Jardin des Olives, et laquelle tristesse te réduira, sans que tu la puisses comprendre, à une espèce d'agonie plus rude à supporter que la mort.
Et, pour m'accompagner dans cette humble Prière que je présentais alors à mon Père parmi toutes mes angoisses, tu te lèveras entre onze heures et minuit, pour te prosterner pendant une heure avec Moi, la face contre terre, tant pour apaiser la Divine colère, en demandant Miséricorde pour les pécheurs, que pour adoucir en quelque façon l'amertume que je sentais de l'abandon de mes apôtres, qui m'obligea à leur reprocher qu'ils n'avaient pu veiller une heure avec moi » (Notre Seigneur Jésus-Christ à Sainte Marguerite-Marie)
Pour voir au travers des Révélations de Jésus à Maria Valtorta, les passages de la Sainte Cène très détaillés, aller sur les passages suivants :
La Cène pascale (première partie).
La Cène pascale (deuxième partie).
Mais approfondissons les commentaires de Jésus sur cet épisode :
Réflexions sur la dernière Cène.
Jésus dit :
"De l'épisode de la Cène, en plus de la considération de la charité d'un Dieu qui se fait nourriture pour les hommes, ressortent quatre enseignements principaux.
Un : la nécessité pour tous les fils de Dieu d'obéir à la Loi.
La Loi disait que l'on devait pour Pâque consommer l'agneau selon le rituel donné par le Très-Haut à Moïse et Moi, vrai Fils du vrai Dieu, je ne me suis pas considéré, à cause de ma qualité Divine, comme exempt de la Loi.
J'étais sur la Terre : Homme parmi les hommes et Maître des hommes. Je devais donc faire mon devoir d'homme envers Dieu comme les autres et mieux qu'eux.
Les faveurs Divines n'exemptent pas de l'obéissance et de l'effort vers une sainteté toujours plus grande.
Si vous comparez la sainteté la plus élevée à la perfection Divine, vous la trouvez toujours pleine de défauts et par conséquent obligée de s'efforcer elle-même de les éliminer et de rejoindre un degré de perfection autant que possible semblable à celui de Dieu.
Deux : la puissance de la prière de Marie.
J'étais Dieu fait Chair, Une Chair qui pour être sans tache possédait la force spirituelle pour dominer la chair,
Et pourtant je ne refuse pas, j'appelle au contraire l'aide de la Pleine de Grâce, qui même en cette heure d'expiation aurait trouvé, c'est vrai, sur sa tête le Ciel fermé, mais pas au point de ne pas réussir à en détacher un ange, Elle, Reine des Anges, pour réconforter son Fils.
Oh ! Non pas pour elle, la pauvre Maman ! Elle aussi a goûté l'amertume de l'abandon du Père, mais par sa douleur offerte pour la Rédemption elle m'a obtenu de pouvoir surmonter l'angoisse du Jardin des Oliviers et porter à terme la Passion dans toute sa multiforme âpreté dont chacune visait à laver une forme et un moyen de péché.
Trois : la maîtrise de soi-même et l'endurance de l'offense, charité sublime par dessus tout.
Ne peuvent l'avoir que ceux qui font vie de leur vie la Loi de Charité, que j'avais proclamée. Et non seulement proclamée, mais pratiquée réellement.
Qu'a pu être pour Moi d'avoir avec Moi à ma table celui qui me trahissait, de devoir me donner à lui, de devoir m'humilier à lui, de devoir partager avec lui le calice rituel et de poser mes lèvres là où lui les avait posées et de les faire poser à ma Mère, vous ne pouvez pas l'imaginer.
Vos médecins ont discuté et discutent sur la rapidité de ma fin et lui donnent pour origine une lésion cardiaque due aux coups de la flagellation.
Oui, pour ces coups aussi mon cœur était devenu malade. Mais il l'était déjà depuis la Cène. Brisé, brisé dans l'effort de devoir subir à côté de Moi le Traître.
J'ai commencé alors de mourir physiquement. Le reste n'a été qu'une aggravation de l'agonie qui existait déjà.
Tout ce que j'ai pu faire, je l'ai fait car je n'étais qu'un avec la Charité. Même à l'heure où le Dieu-Charité s'éloignait de Moi, j'ai su être charité, car dans mes trente-trois années, j'avais vécu de chanté.
On ne peut arriver à une perfection telle que celle qui demande de pardonner et de supporter celui qui nous offense si on n'a pas l'habitude de la Charité. Moi, je l'avais et j'ai pu Pardonner et supporter ce chef-d'œuvre d'Offenseur que fut Judas.
Quatre : le Sacrement opère d'autant plus que l'on est digne de le recevoir.
Si on s'en est rendu digne par une constante volonté qui brise la chair et rend l'esprit souverain, en vainquant les concupiscences, en pliant l'être aux vertus, en le tendant comme un arc vers la perfection des vertus et surtout de la Charité.
En effet quand quelqu'un aime, il tend à réjouir celui qu'il aime. Jean, qui m'aimait comme personne et qui était pur, eut du Sacrement le maximum de transformation.
Il commença à partir de ce moment à être l'aigle auquel il est familier et facile de s'élever jusqu'au Ciel de Dieu et de fixer le Soleil éternel.
Mais malheur à celui qui reçoit le Sacrement sans en être tout à fait digne, mais qui au contraire a fait croître sa constante indignité humaine par les fautes mortelles.
Alors il devient non pas un germe de préservation et de vie, mais de corruption et de mort. Mort de l'esprit et putréfaction de la chair qui en "crève", comme dit Pierre de celle de Judas. Elle ne répand pas le sang, liquide toujours vital et beau dans sa pourpre, mais son intérieur noirci par toutes les passions, pourriture qui se déverse de la chair décomposée comme de la charogne d'un animal immonde, objet de dégoût pour les passants.
La mort de celui qui profane le Sacrement est toujours la mort d'un désespéré et ne connaît donc pas le tranquille trépas propre à celui qui est en grâce, ni l'héroïque trépas de la victime qui souffre d'une manière aiguë mais avec le regard fixé au Ciel et l'âme assurée de la Paix.
La mort du désespéré est marquée de contorsions et de terreurs atroces, c'est une convulsion horrible de l'âme déjà saisie par la main de Satan qui l'étrangle pour l'arracher à la chair et la suffoque par sa respiration nauséabonde.
Voilà la différence entre celui qui passe à l'autre vie après s'y être nourri de Charité, de Foi, d'Espérance et de toute autre vertu et doctrine Céleste et du Pain angélique qui l'accompagne avec ses fruits, mieux si de sa présence réelle, dans le dernier voyage, et celui qui trépasse après une vie de brute avec une mort de brute que la Grâce et le Sacrement ne réconfortent pas.
La première, c'est la fin sereine du saint auquel la mort ouvre le Royaume éternel. La seconde, c'est la chute effrayante du damné qui se sent précipité dans la mort éternelle et connaît en un instant ce qu'il a voulu perdre sans pouvoir désormais y porter remède.
Pour l'un c'est l'enrichissement, pour l'autre le dépouillement. Pour l'un la joie, pour l'autre la terreur.
Voilà ce que vous vous donnez selon votre Foi et votre Amour, ou votre incroyance et le mépris de mon don. C'est l'enseignement de cette Contemplation."
Nous arrivons maintenant au moment de l’agonie de Jésus au Jardin des Oliviers à Gethsémani dont je rapporterais ici quelques extraits.
Pour lire le passage complet :
L'agonie et la capture au Gethsémani.
… "Simon, c'est l'heure de ma Passion. Pour la rendre plus complète, le Père me retire la lumière à mesure qu'on approche.
D'ici peu, je n'aurai que ténèbres et la contemplation de ce que sont les ténèbres : c'est-à-dire tous les péchés des hommes.
Tu ne peux, vous ne pouvez pas comprendre. Personne, à moins d'y être appelé par Dieu pour une mission spéciale, ne comprendra cette Passion dans la grande Passion.
Puisque l'homme est matériel, même dans l'amour et dans la méditation, il y en aura qui pleureront et souffriront à cause des coups que j'ai reçus, et de mes tortures de Rédempteur, mais on ne mesurera pas cette torture spirituelle qui, croyez-le vous qui m'écoutez, sera la plus atroce...
Parle-moi donc, Simon. Guide-moi sur les sentiers où ton amitié est allée pour Moi, car je suis un pauvre qui perd la vue et qui voit des fantômes, et non des choses réelles..."
Jean le serre contre lui et demande : "Quoi ? Tu ne vois plus ton Jean ?"
"Je te vois, mais les fantômes surgissent du brouillard de Satan, visions de cauchemar et de douleur. Nous sommes tous enveloppés dans ce miasme d'enfer, ce soir.
En Moi, il cherche à créer la lâcheté, la désobéissance et la douleur. En vous, il créera la déception et la peur.
En d'autres, qui pourtant ne sont ni peureux ni criminels, il amènera le crime et l'effroi. En d'autres, qui déjà appartiennent à Satan, il donnera la perversion surnaturelle.
Je parle ainsi car leur perfection dans le mal sera telle qu'elle dépassera les possibilités humaines et atteindra la perfection qui est toujours dans le surhumain…
"Maintenant, séparons-nous. Moi, je monte là-haut pour prier. Je veux avec Moi Pierre, Jean et Jacques.
Vous, restez ici. Et si vous êtes accablés, appelez. Et ne craignez pas. On ne touchera pas à un cheveu de votre tête..
Priez pour Moi. Déposez la haine et la peur. Ce ne sera qu'un instant... et ensuite la joie sera pleine.
Souriez. Que j'ai dans le cœur vos sourires. Et encore, merci de tout, amis. Adieu. Que le Seigneur ne vous abandonne pas..."
Jésus se sépare des apôtres et va en avant pendant que Pierre se fait donner par Simon la torche.
Celui-ci auparavant a allumé avec elle des rameaux résineux qui brûlent en crépitant au bord de l'oliveraie et répandent une odeur de genièvre.
Je souffre de voir le Thaddée qui regarde Jésus d'un regard tellement intense et douloureux que ce dernier se retourne et cherche qui l'a regardé. Mais le Thaddée se cache derrière Barthélemy et se mord les lèvres pour se calmer.
Jésus fait de la main un geste qui est Bénédiction et adieu, puis il continue son chemin. La lune, maintenant très haute, entoure de sa lumière sa haute figure et paraît la faire plus grande, en la spiritualisant, en rendant plus clair son vêtement rouge et plus pâle l'or de ses cheveux. Derrière Lui, hâtent le pas Pierre avec la torche et les deux fils de Zébédée.
Ils continuent jusqu'à ce qu'ils rejoignent le bord du premier escarpement du rustique amphithéâtre de l'oliveraie, auquel sert d'entrée la petite place irrégulière et de gradins les différents escarpements qui montent par échelons des oliviers sur le mont.
Puis Jésus leur dit : "Arrêtez-vous, attendez-moi ici pendant que je prie. Mais ne dormez pas. Je pourrais avoir besoin de vous. Et, je vous le demande par charité : priez ! Votre Maître est très accablé."
Et en effet il est déjà profondément accablé. Il paraît chargé d'un fardeau. Où est désormais le viril Jésus qui parlait aux foules, beau, fort, l'œil dominateur, souriant paisiblement, avec sa voix retentissante et pleine de charme ?
Il paraît déjà pris par l'angoisse. Il est comme quelqu'un qui a couru ou qui a pleuré. Sa voix est lasse et angoissée. Triste, triste, triste...
Pierre répond au nom de tous : "Sois tranquille, Maître. Nous veillerons et nous prierons. Tu n'as qu'à nous appeler et nous viendrons."
Et Jésus les quitte alors que les trois se penchent pour ramasser des feuilles et des branches pour faire un feu qui serve à les tenir éveillés et aussi pour combattre la rosée qui commence à descendre abondamment.
Il marche, en leur tournant le dos, de l'occident vers l'orient, ayant donc en face la lumière de la lune.
Je vois qu'une grande douleur dilate encore davantage son œil; c'est peut-être un bistre de lassitude qui l'élargit, peut-être est-ce l'ombre de l'arcade sourcilière.
Je ne sais pas. Je sais qu'il a l'œil plus ouvert et plus enfoncé. Il monte, la tête penchée, seulement de temps en temps il la lève en soupirant comme s'il se fatiguait et haletait, et alors il tourne son œil si triste sur l'oliveraie paisible.
Il fait quelques mètres en montée, puis il tourne autour d'un escarpement qui se trouve ainsi entre Lui et les trois qu'il a laissés plus bas.
L'escarpement, qui au début ne monte que de quelques décimètres, ne cesse de monter, et il a bientôt atteint deux mètres, de sorte qu'il met complètement Jésus à l'abri de tout regard indiscret ou ami.
Jésus continue jusqu'à un gros rocher qui à un certain point barre le petit sentier, peut-être mis pour soutenir la côte qui descend avec plus de rapidité et nue jusqu'à un espace désolé qui précède les murs au-delà desquels est située Jérusalem, et qui vers le haut continue à monter avec d'autres escarpements et d'autres oliviers.
Justement au-dessus du gros rocher se penche un olivier tout noueux et tordu. Il semble un bizarre point d'interrogation mis par la nature pour poser quelque question.
Les branches touffues au sommet donnent une réponse à la question du tronc, en disant tantôt oui quand elles se penchent vers la terre, tantôt non en se déplaçant de droite à gauche, sous un vent léger qui passe par vagues successives à travers les feuillages et qui parfois exhale seulement l'odeur de la terre, parfois l'odeur légèrement amère de l'olivier, parfois un parfum mêlé de roses et de muguets dont on se demande d'où il peut bien venir.
Au-delà du petit sentier, vers le bas, il y a d'autres oliviers et l'un, justement au-dessous du rocher, frappé par la foudre et ayant pourtant survécu, ou découpé je ne sais comment, a, du tronc primitif, fait deux troncs qui se dressent comme les deux branches d'un grand V moulé et les deux feuillages se présentent d'un côté et de l'autre du rocher comme si en même temps ils voulaient voir et cacher, ou lui faire une base d'un gris argenté tout paisible.
Jésus s'arrête à cet endroit. Il ne regarde pas la ville qui se fait voir tout en bas, toute blanche dans le clair de lune.
Au contraire il lui tourne le dos et il prie, les bras ouverts en Croix, le visage levé vers le ciel. Je ne vois pas son visage car il est dans l'ombre, la lune étant pour ainsi dire perpendiculaire au-dessus de sa tête, c'est vrai, mais ayant aussi le feuillage épais de l'olivier entre Lui et la lune dont les rayons filtrent à peine entre les feuilles en produisant des taches lumineuses en perpétuel mouvement.
Une longue, ardente prière. De temps en temps il pousse un soupir et fait entendre quelque parole plus nette.
Ce n'est pas un psaume, ni le Pater. C'est une prière faite du jaillissement de son amour et de son besoin. Un vrai discours fait à son Père.
Je le comprends par les quelques paroles que je saisis : "Tu le sais... Je suis ton Fils... Tout, mais aide-moi... L'heure est venue... Je ne suis plus de la Terre.
Cesse tout besoin d'aide à ton Verbe... Fais que l'Homme te satisfasse comme Rédempteur, comme la Parole t'a été obéissante... Ce que Tu veux... C'est pour eux que je te demande pitié...
Les sauverai-je ? C'est cela que je te demande. Je les veux ainsi : sauvés du monde, de la chair, du démon... Puis-je te demander encore ? C'est une juste demande, mon Père. Pas pour Moi.
Pour l'homme qui est ta création, et qui voulut rendre fange jusqu'à son âme. Je jette dans ma douleur et dans mon Sang cette boue pour qu'elle redevienne l'incorruptible essence de l'esprit qui t'est agréable...
Il est partout. C'est lui le roi ce soir : au palais royal et dans les maisons, parmi les troupes et au Temple... La ville en est pleine, et demain ce sera un enfer..."
Jésus se tourne, appuie son dos au rocher et croise ses bras. Il regarde Jérusalem. Le visage de Jésus devient de plus en plus triste. Il murmure : "Elle paraît de neige... et elle n'est que péché. Même dans elle, combien j'en ai guéris ! Combien j'ai parlé !... Où sont ceux qui me paraissaient fidèles ?"...
Jésus penche la tête et regarde fixement le terrain couvert d'une herbe courte et que la rosée rend brillante.
Mais bien qu'il ait la tête penchée je comprends qu'il pleure car des gouttes brillent en tombant de son visage sur le sol.
Puis il lève la tête, desserre ses bras, les joints en les tenant au-dessus de sa tête et en les agitant ainsi unis.
Puis il se met en route. Il revient vers les trois apôtres assis autour de leur feu de branchages. Il les trouve à moitié endormis.
Pierre appuie ses épaules à un tronc, et les bras croisés sur la poitrine il balance sa tête, dans le premier brouillard d'un sommeil profond.
Jacques est assis, avec son frère, sur une grosse racine qui affleure et sur laquelle ils ont mis leurs manteaux pour moins sentir les aspérités, mais malgré cela, bien qu'ils soient moins à l'aise que Pierre, eux aussi somnolent.
Jacques a abandonné sa tête sur l'épaule de Jean qui a penché la tête sur celle de son frère comme si le demi-sommeil les avait immobilisés dans cette pose.
"Vous dormez ? Vous n'avez pas su veiller une seule heure ? Et Moi j'ai tant besoin de votre réconfort et de vos prières !"
Les trois sursautent confus. Ils se frottent les yeux, ils murmurent une excuse, accusant la digestion pénible d'être la première cause de leur sommeil : "C'est le vin... la nourriture... Mais maintenant cela passe. Cela n'a été qu'un moment. Nous ne désirions pas parler et cela nous a endormis. Mais maintenant nous allons prier à haute voix et cela ne nous arrivera plus."
"Oui. Priez et veillez. Pour vous aussi, vous en avez besoin."
*Oui, Maître. Nous allons t'obéir."
Jésus s'en retourne. La lune Lui frappe le visage si fort que sa clarté d'argent fait pâlir de plus en plus son vêtement rouge comme si elle le couvrait d'une poussière blanche et lumineuse. Je vois dans cette clarté son visage découragé, affligé, vieilli. Le regard est toujours dilaté mais paraît embué de larmes. La bouche a un pli de lassitude.
Il revient à son rocher plus lentement et tout penché. Il s'y agenouille en appuyant ses bras au rocher qui n'est pas lisse, mais à mi-hauteur il a une sorte de sein, comme si on l'avait travaillé exprès.
Sur ce sein de dimension réduite, il a poussé une petite plante qui me semble de ces fleurettes semblables à de petits lys que j'ai vues aussi en Italie.
Les petites feuilles sont rondes mais dentelées sur les bords et charnues avec des fleurettes sur les tiges très grêles.
On dirait des petits flocons de neige qui saupoudrent la grisaille du rocher et les feuilles d'un vert foncé.
Jésus appuie ses mains près d'elles et les fleurettes Lui frôlent la joue car il pose sa tête sur ses mains jointes et il prie.
Après un moment il sent la fraîcheur des petites corolles et il lève la tête. Il les regarde, les caresse, leur parle : "Vous êtes pures !... Vous me réconfortez !
Dans la petite grotte de Maman, il y avait aussi de ces fleurettes... et elle les aimait car elle disait : "Quand j'étais petite, mon père me disait : "Tu es un lys si petit et tout plein de la rosée céleste' "...
Maman ! Oh ! Maman !" Il éclate en sanglots. La tête sur ses mains jointes, retombé un peu sur ses talons, je le vois et l'entends pleurer, alors que ses mains serrent ses doigts et se tourmentent l'une l'autre.
Je l'entends qui dit : "À Bethléem aussi... et je te les ai apportées, Maman. Mais celles-ci, qui te les apportera désormais ?..."
Puis il recommence à prier et à méditer. Elle doit être bien triste sa méditation, angoissée plutôt que triste car, pour y échapper, il se lève, va en avant et en arrière en murmurant des paroles que je ne saisis pas, levant son visage, le rabaissant, faisant des gestes, passant sur ses yeux, sur ses joues, sur ses cheveux, ses mains avec des mouvements machinaux et agités, comme ceux de quelqu'un qui est dans une grande angoisse. Ce n'est rien de le dire. Le décrire est impossible. Le voir, c'est partager son angoisse.
Il fait des gestes vers Jérusalem. Puis il recommence à élever les bras vers le ciel comme pour demander de l'aide.
Il enlève son manteau comme s'il avait chaud. Il le regarde... Mais que voit-il ? Ses yeux ne regardent pas autre chose que sa torture et tout sert à cette torture pour l'augmenter, même le manteau tissé par sa Mère.
Il le baise et dit : "Pardon, Maman ! Pardon !" Il semble le demander à l'étoffe filée et tissée par l'amour de sa Mère...
Il le reprend. Il est pris par un tourment. Il veut prier pour le surmonter, mais avec la prière reviennent les souvenirs, les appréhensions, les doutes, les regrets...
C'est toute une avalanche de noms... de villes... de personnes... de faits... Je ne puis le suivre car il est rapide et irrégulier.
C'est sa vie évangélique qui défile devant Lui... et Lui ramène Judas le traître. Son angoisse est si grande, que pour la vaincre il crie le nom de Pierre et de Jean.
Et il dit : "Maintenant ils vont venir. Ils sont bien fidèles, eux !" Mais "eux" ne viennent pas. Il appelle de nouveau.
Il paraît terrorisé comme s'il voyait je ne sais quoi. Il s'enfuit rapidement vers l'endroit où se trouve Pierre et les deux frères.
Et il les trouve plus commodément et plus pesamment endormis autour de quelques braises qui vont mourir et produisent seulement des éclairs rouges dans la cendre grise.
"Pierre ! Je vous ai appelés trois fois ! Mais que faites-vous ? Vous dormez encore ? Mais vous ne sentez pas à quel point je souffre ?
Priez. Que la chair n'ait pas le dessus, ne vous vainque pas. En aucun de vous. Si l'esprit est prompt, la chair est faible. Aidez-moi..."
Les trois, s'éveillent plus lentement, mais finalement ils y arrivent et s'excusent, les yeux ébahis. Ils se lèvent, en commençant par s'asseoir, puis ils se mettent vraiment debout.
"Mais vois un peu !" murmure Pierre. "Ceci ne nous est jamais arrivé ! Ce doit être vraiment ce vin. Il était fort.
Et aussi ce froid. On s'est couvert pour ne pas le sentir (en effet ils s'étaient couverts avec leurs manteaux, même la tête) et on n'a plus vu le feu, on n'a plus eu froid et voilà que le sommeil est venu.
Tu dis que tu nous as appelés ? Et pourtant il ne me semblait pas que je dormais si profondément...
Allons, Jean, cherchons des branches, remuons-nous. Cela va passer. Sois tranquille, Maître, que dorénavant !... Nous resterons debout..." et il jette une poignée de feuilles sèches sur la braise et souffle pour faire reprendre la flamme.
Il l'alimente avec les branches apportées par Jean, pendant que Jacques apporte un quartier de genièvre ou d'une plante du même genre qu'il a coupé dans un buisson peu éloigné et le met par dessus le reste.
La flamme monte haute et gaie éclairant le pauvre visage de Jésus, un visage vraiment d'une tristesse telle que l'on ne peut le regarder sans pleurer.
Toute clarté de ce visage a disparu dans une lassitude mortelle. Il dit : "J'éprouve une angoisse qui me tue !
Oh ! oui ! Mon âme est triste à en mourir. Amis !... Amis ! Amis !" Mais même s'il ne le disait pas, son aspect dirait qu'il est vraiment comme quelqu'un qui meurt, et dans l'abandon le plus angoissé et le plus désolé. Il semble que chacune de ses paroles soit un sanglot...
Mais les trois sont trop appesantis par le sommeil. Ils semblent presque ivres tant ils marchent en titubant les yeux mi-clos...
Jésus les regarde... Il ne les mortifie pas par des reproches. Il secoue la tête, soupire et s'en va à la place qu'il occupait.
Il prie de nouveau debout, les bras en Croix. Puis à genoux comme avant, le visage penché sur les petites fleurs. Il réfléchit. Il se tait...
Puis il se met à gémir et à sangloter fortement, presque prosterné tant il s'est relâché sur ses talons. Il appelle le Père avec toujours plus d'angoisse...
"Oh !" dit-il. "Il est trop amer ce calice ! Je ne puis pas ! Je ne puis pas. Il est au-dessus de ce que je puis. J'ai tout pu ! Mais pas cela... Éloigne-le, Père, de ton Fils ! Pitié pour Moi !... Qu'ai-je fait pour le mériter ?"
Puis il se reprend et dit : "Cependant, mon Père, n'écoute pas ma voix si elle te demande ce qui est contraire à ta volonté.
Ne te souviens pas que je suis ton Fils, mais seulement ton serviteur. Que soit faite non pas ma volonté, mais la tienne."
Il reste ainsi un moment, puis il pousse un cri étouffé et lève un visage bouleversé. Un seul instant, puis il tombe sur le sol, le visage réellement contre terre et il reste ainsi.
Une loque d'homme sur qui pèse tout le péché du monde, sur qui s'abat toute la Justice du Père, sur qui descendent les ténèbres, la cendre, le fiel, cette redoutable, redoutable, absolument redoutable chose qu'est l'abandon de Dieu, pendant que Satan nous torture...
C'est l'asphyxie de l'âme, c'est être ensevelis vivants dans cette prison qu'est le monde quand on ne peut plus sentir qu'entre nous et Dieu il y a un lien, c'est être enchaînés, bâillonnés, lapidés par nos propres prières qui nous retombent dessus hérissées de pointes et pleines de feu, c'est se heurter contre un Ciel fermé où ne pénètrent pas la voix et les regards de notre angoisse, c'est être "orphelins de Dieu", c'est la folie, l'agonie, le doute de s'être jusqu'alors trompés, c'est la persuasion d'être chassés par Dieu, d'être damnés. C'est l'enfer !...
Jésus gémit, au milieu des râles et des soupirs d'une véritable agonie : "Rien !... Rien !... Va-t'en !... La volonté du Père ! Elle ! Elle seule !.., Ta volonté, Père. La tienne, non pas la mienne...
Inutile. Je n'ai qu'un Seigneur : le Dieu très Saint. Une Loi : l'obéissance. Un amour : la rédemption... Non. Je n'ai plus de Mère. Je n'ai plus de vie. Je n'ai plus de divinité. Je n'ai plus de mission.
C'est inutilement que tu me tentes, démon, avec la Mère, la vie, ma divinité, ma mission. J'ai pour mère l'Humanité et je l'aime jusqu'à mourir pour elle. La vie, je la rends à Celui qui me l'a donnée et me la demande, au Maître Suprême de tout vivant.
La Divinité, je l'affirme en montrant qu'elle est capable de cette expiation. La mission, je l'accomplis par ma mort.
Je n'ai plus rien, sauf de faire la volonté du Seigneur mon Dieu. Va-t'en, Satan ! Je l'ai dit la première et la seconde fois. Je le redis pour la troisième : "Père : s'il est possible, que ce calice s'éloigne de Moi. Mais pourtant que ce ne soit pas ma volonté, mais la tienne qui soit faite". Va-t'en, Satan. J'appartiens à Dieu."
Puis il ne parle plus que pour dire entre ses halètements : "Dieu ! Dieu ! Dieu !" Il l'appelle à chaque battement de son cœur et il semble qu'à chaque battement le sang déborde. L'étoffe tendue sur les épaules s'en imbibe et devient sombre malgré le grand clair de lune qui l'enveloppe tout entier.
Pourtant une clarté plus vive se forme au-dessus de sa tête, suspendue à environ un mètre de Lui, une clarté si vive que même le Prostré la voit filtrer à travers les ondulations des cheveux déjà alourdis par le sang et malgré le voile dont le sang couvre ses yeux.
Il lève la tête... La lune resplendit sur le pauvre visage et encore plus resplendit la lumière angélique semblable au diamant blanc-azur de l'étoile Vénus.
Et apparaît la terrible agonie dans le sang qui transsude des pores. Les cils, les cheveux, la moustache, la barbe sont aspergés et couverts de sang.
Le sang coule des tempes, le sang sort des veines du cou, les mains dégouttent du sang. Il tend les mains vers la lumière angélique et quand les larges manches glissent vers les coudes, les avant-bras du Christ se voient en train de suer du sang. Dans le seul visage les larmes tracent deux lignes nettes à travers le masque rouge.
Il enlève de nouveau son manteau et s'essuie les mains, le visage, le cou, les avant-bras. Mais la sueur continue.
Il presse plusieurs fois l'étoffe sur son visage en la tenant pressée avec ses mains, et chaque fois qu'elle change de place, apparaissent nettement sur l'étoffe rouge foncé les empreintes qui, humides comme elles le sont, semblent être noires.
Sur le sol l'herbe est rouge de sang.
Jésus paraît près de défaillir. Il délace son vêtement au cou comme s'il se sentait étouffer. Il porte la main à son cœur et puis à sa tête et l'agite devant son visage comme pour s'éventer, en gardant la bouche entrouverte.
Il se traîne vers le rocher, mais plutôt vers le sommet du talus, et s'y appuie le dos. Il reste les bras pendants le long du corps, comme s'il était déjà mort, la tête pendant sur la poitrine. Il ne bouge plus.
La lumière angélique décroît tout doucement. Puis elle se trouve comme absorbée dans le clair de lune.
Jésus rouvre les yeux. Il lève péniblement la tête. Il regarde. Il est seul, mais il est moins angoissé.
Il allonge une main. Il tire à Lui le manteau qu'il a abandonné sur l'herbe et se met à s'essuyer le visage, les mains, le cou, la barbe, les cheveux.
Il prend une large feuille, qui a poussé justement sur le bord du talus, toute couverte de rosée et avec elle il achève de se nettoyer en se lavant le visage et les mains et en s'essuyant de nouveau.
Il le fait plusieurs fois avec d'autres feuilles, jusqu'à ce qu'il ait effacé les traces de sa terrible sueur.
Seul son vêtement est taché, et spécialement sur les épaules et aux plis des coudes, au cou et à la ceinture, aux genoux.
Il le regarde et secoue la tête. Il regarde aussi le manteau, mais il le voit trop taché. Il le plie et le pose sur le rocher, là où il forme un berceau, près des fleurettes.
Difficilement, à cause de sa faiblesse, il se tourne pour se mettre à genoux. Il prie en appuyant la tête sur le manteau sur lequel sont déjà ses mains.
Puis il s'appuie au rocher, se lève, et encore légèrement titubant, il va trouver les disciples. Son visage est très pâle, mais il n'est plus troublé. C'est un visage d'une beauté Divine bien qu'il soit exsangue et plus triste qu'à l'ordinaire.
Les trois dorment profondément, tout enveloppés dans leurs manteaux, tout à fait allongés près du feu éteint.
On les entend respirer profondément en un commencement de ronflement sonore. Jésus les appelle, inutilement. Il doit se pencher et secouer Pierre généreusement.
"Qu'est-ce ? Qui m'arrête ?" dit-il en sortant abasourdi et effrayé de son manteau vert foncé.
"Personne. C'est Moi qui t'appelle."
"C'est le matin ?"
"Non. La seconde veille est à peu près terminée."
Pierre est tout engourdi, Jésus secoue Jean qui pousse un cri de terreur en voyant penché sur lui un visage de fantôme tant il semble de marbre. "Oh !... tu me paraissais mort !"
Il secoue Jacques et celui-ci croit que c'est son frère qui l'appelle et il dit : "Ils ont pris le Maître ?"
"Pas encore, Jacques" répond Jésus. "Mais levez-vous maintenant et allons. Celui qui me trahit est proche."
Les trois, encore étourdis, se lèvent. Ils regardent autour... Oliviers, lune, rossignols, brise, la paix...
Rien d'autre. Cependant ils suivent Jésus sans parler. Les huit aussi sont plus ou moins endormis auprès du feu éteint.
"Levez-vous !" tonne Jésus. "Pendant que Satan arrive, montrez à celui qui ne dort jamais et à ses fils que les fils de Dieu ne dorment pas !"
"Oui, Maître."
"Où est-il, Maître ?"
"Jésus, moi..."
"Mais qu'est-il arrivé ?"
Et au milieu des questions et des réponses confuses, ils remettent leurs manteaux...
À peine à temps pour apparaître en ordre à la troupe de sbires, commandée par Judas, qui fait irruption dans la petite place tranquille en l'éclairant violemment avec une foule de torches allumées.
C'est une horde de bandits déguisés en soldats, des figures de galériens que déforme un sourire démoniaque. Il y a aussi quelques zélateurs du Temple.
Les apôtres sautent tous dans un coin. Pierre devant, et les autres en groupe derrière. Jésus reste où il est.
Judas s'approche soutenant le regard de Jésus, redevenu le regard étincelant de ses jours les meilleurs.
Et il n'abaisse pas son visage. Au contraire il s'approche avec un sourire de hyène et le baise sur la joue droite.
"Ami, et qu'es-tu venu faire ? C'est par un baiser que tu me trahis ?"
Judas baisse un instant la tête, puis la relève... insensible au reproche comme à toute invitation au repentir.
Jésus, après les premières paroles dites avec la majesté de Maître, prend le ton affligé de qui se résigne à un malheur.
Les sbires, en criant, s'avancent avec des cordes et des bâtons et cherchent à s'emparer des apôtres en plus du Christ, sauf de Judas Iscariote, naturellement.
"Qui cherchez-vous ?" demande Jésus calme et solennel.
"Jésus, le Nazaréen."
"C'est Moi !" Sa voix est un tonnerre. Devant le monde assassin et à celui innocent, devant la nature et les étoiles, Jésus se rend ce témoignage ouvert, loyal, plein d'assurance. Je dirais qu'il est heureux de pouvoir se le donner.
Mais s'il avait dégagé la foudre, il n'aurait pu faire davantage. Tous s'abattent comme une gerbe d'épis fauchés.
Ne restent debout que Judas, Jésus et les apôtres qui reprennent courage au spectacle des soldats abattus, si bien qu'ils s'approchent de Jésus en menaçant si explicitement Judas que celui-ci fait un saut juste à temps pour éviter un coup de maître de l'épée de Simon.
Poursuivi sans résultat à coups de pierres et de bâtons que lui lancent par derrière les apôtres qui ne sont pas armés d'épées, il s'enfuit au-delà du Cédron et disparaît dans l'obscurité d'une ruelle.
"Levez-vous. Qui cherchez-vous ? Je vous le demande de nouveau."
"Jésus, le Nazaréen."
"Je vous ai dit que c'est Moi" dit Jésus avec douceur. Oui : avec douceur. "Laissez donc libres ces autres. Je viens. Déposez les épées et les bâtons. Je ne suis pas un larron. J'étais toujours parmi vous. Pourquoi ne m'avez-vous pas pris alors ? Mais c'est votre heure et celle de Satan..."
Mais pendant qu'il parle, Pierre s'approche de l'homme qui déjà tend les cordes pour lier Jésus, et il donne un coup d'épée maladroit.
S'il s'était servi de la pointe, il regorgeait comme un mouton. Ainsi il ne fait que lui décoller l'oreille qui reste pendante et laisse couler beaucoup de sang.
L'homme crie qu'il est mort. Il y a du désordre entre ceux qui veulent avancer et ceux qui ont peur à la vue des épées et des poignards qui brillent.
"Déposez ces armes. Je vous le commande. Si je voulais, j'aurais les anges du Père pour me défendre.
Et toi, sois guéri. Dans ton âme, si tu peux, pour commencer." Et avant de tendre les mains aux cordes, il touche l'oreille et la guérit.
Les apôtres poussent des cris désordonnés... Oui. Je regrette de le dire, mais c'est ainsi. Qui crie une chose, qui une autre.
L'un crie : "Tu nous as trahis !" et un autre : "Mais il est fou !" et un autre encore : "Et qui peut te croire ?" Qui ne crie pas s'enfuit...
Et Jésus reste seul... Seul avec les sbires... Et le chemin commence...
Date de dernière mise à jour : 28/03/2024
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